Déjà les élections ! Après une année 2013 qui ne lui aura rien épargné – paralysie de l’Etat, scandale des écoutes, fiasco de l’assurance-santé -, Barack Obama promet que 2014 sera celle de l’action. Si tel est le cas, elle aura plutôt lieu sur le terrain politique que sur celui des réformes. Avec les élections de novembre prochain, qui renouvellent un tiers du Sénat et l’intégralité de la Chambre des représentants, l’année qui s’ouvre risque d’être bien davantage celle de l’immobilisme et des querelles idéologiques. Malheureusement pour la Maison-Blanche, ces élections de mi-mandat ne sont jamais favorables au pouvoir en place. Elles le sont d’autant moins quand le président exerce un second mandat. C’est ce que les Américains appellent la malédiction des six ans. Les statistiques le prouvent : quand les élections de « midterm » interviennent au cours d’un second mandat, l’opposition ravit en moyenne 29 sièges au pouvoir en place. Aucun président, ou presque, n’a échappé à ce triste sort. Humilié par le lancement du satellite russe Spoutnik, Dwight Eisenhower a ainsi cédé une soixantaine de sièges à ses adversaires démocrates. Terrassé par l’affaire du Watergate, Richard Nixon a démissionné avant même que les élections aient lieu. Le contexte était plus porteur pour Ronald Reagan, qui récoltait alors tous les fruits de la croissance. Il n’a pourtant pas fait mieux que son prédécesseur, cédant le Sénat aux démocrates. En pleine affaire Lewinsky, Bill Clinton est paradoxalement le seul à avoir vu son camp conquérir des sièges au Congrès. Mais cela n’a pas suffi à lui faire regagner la Chambre des représentants. Quant à George Bush, il a réussi l’exploit de perdre la majorité dans les deux Chambres, ce qui n’était pas arrivé depuis quatorze ans. Un « coup de poing », avait-il alors reconnu.
Barack Obama saura-t-il défier les Cassandre ? Le rebond de l’économie lui donne un coup de pouce inespéré. Malgré l’absence de réformes et un creusement des inégalités, le président a la chance de pouvoir afficher une forte baisse du chômage, une accélération de la croissance et une incroyable réduction des déficits publics : – 38 % l’an dernier ! L’année qui s’ouvre s’annonce encore plus prometteuse : la page de l’austérité est désormais tournée et les entreprises s’attendent à amasser des profits record. Il n’est pourtant pas sûr que cela suffise à la Maison-Blanche. Sali par les écoutes de la NSA et incapable de tenir ses promesses, le président affiche une popularité incroyablement faible (43 %), y compris pour un second mandat. Hormis George Bush, tous les autres présidents dépassaient la barre des 50 % à ce stade de l’année. Les républicains, qui n’ont besoin de ravir que 6 sièges au Sénat pour obtenir la majorité, espèrent donc dominer dans les deux Chambres. Ils ont toutes les chances de renverser les démocrates dans le Montana, le Dakota du Sud et la Virginie-Occidentale. Reste à savoir s’ils pourront vaincre dans trois autres Etats.
Les règles du jeu politique ont beaucoup évolué depuis George Bush et rendent les alternances nettement moins fréquentes : les gouverneurs ont redécoupé les circonscriptions afin que leurs alliés – démocrates ou républicains – soient certains de garder leur siège. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : lors des élections de 1986, près de la moitié des sièges avaient été arrachés au camp adverse. Cette part est tombée à 26 % en 1998 et à 6 % lors des élections de 2012. Barack Obama ne doit donc pas s’attendre à ce que la carte des Etats-Unis passe brutalement du bleu – la couleur démocrate – au rouge – la couleur républicaine. A l’inverse, il ne peut guère espérer de renversement en sa faveur : la Chambre des représentants a de sérieuses chances de rester entre les mains des républicains, ce qui prolongera le blocage politique à Washington.
Le Congrès actuel est déjà le moins productif de toute l’histoire des Etats-Unis. Il n’a voté qu’une soixantaine de lois depuis un an, dont aucune n’est réellement marquante. La réforme de l’immigration, qui est pourtant souhaitée par la gauche comme par la droite, reste dans les limbes. L’année qui s’ouvre risque de plonger les Etats-Unis encore un peu plus dans l’immobilisme. Ici comme ailleurs, les élections ne poussent guère au compromis, mais plutôt à défendre des idées clivantes. Les démocrates ont trouvé leur cheval de bataille : ce sera une augmentation du SMIC de plus d’un tiers, à 10 dollars de l’heure. La mesure n’a a priori aucune chance de passer à la Chambre des représentants, dominée par les républicains. Mais elle présente tous les avantages aux yeux des démocrates : elle est plébiscitée par trois quarts des Américains, indiquent les derniers sondages, et permet donc de courtiser les électeurs de droite. Elle résonne tout particulièrement auprès des jeunes et des immigrés, deux populations qui boudent les élections locales et que les démocrates espèrent pousser vers les urnes cette fois-ci. Elle embarrasse les élus républicains, qui ne veulent pas se mettre à dos les PME de leurs circonscriptions.
Elle doit permettre, enfin, de réconcilier la Maison-Blanche et les classes moyennes, après les premiers pas désastreux de la réforme de la santé. Quelque 7 millions d’Américains doivent souscrire une nouvelle assurance-maladie d’ici au mois de mars. Ils n’étaient que 2 millions début janvier, et il y a peu de chances que la Maison-Blanche atteigne son objectif. La réforme, qui avait tant servi le président au moment de sa réélection en 2012, pourrait provoquer un effet boomerang à l’heure de ce nouveau scrutin.
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