Obama, Bush and Iraq

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La responsabilité américaine dans la débâcle irakienne est écrasante. Elle donne lieu à des analyses contradictoires. Toute la faute reviendrait à George W. Bush pour avoir voulu, en 2003, imposer la démocratie au pays de Saddam Hussein en s’imaginant que ses soldats allaient être « accueillis en libérateurs ». Les proches de l’ancien président et ceux qui avaient soutenu sa « croisade » antiterroriste estiment au contraire que la tournure des événements leur donne raison. Ce serait le retrait total opéré par Barack Obama à la fin 2011 et l’appui inconditionnel donné par Washington a la politique sectaire du premier ministre irakien Nouri al-Maliki qui aurait amené la poussée triomphale des djihadistes à laquelle nous assistons aujourd’hui en terre sunnite.

Dans ce jeu de massacre très médiatique aux Etats-Unis, les deux camps rouvrent une vieille bataille qui risque de se prolonger lors de la campagne pour l’élection du futur président ou de la future présidente. L’Irak fut le cimetière de la politique interventionniste du 43ème président américain. Pour son successeur, élu en grande partie parce qu’il était l’un des rares à s’être opposé à cette « guerre stupide », ce même pays est en train de révéler, d’une façon tout aussi cruelle, les dangers d’un repli stratégique précipité.

Les opposants à Bush se fondent sur l’antériorité de l’intervention militaire. La descente aux enfers de l’Irak découle en effet de cette décision fatale. Mais il est impossible de nier que la situation était bien meilleure qu’elle ne l’est aujourd’hui lorsqu’avant de se retirer, les troupes américaines avaient réussi à imposer une trêve dans la guerre civile.

Le chaos que l’on a laissé se développer en Syrie allait inévitablement déborder sur les pays voisins. Les néoconservateurs qui ont connu leur heure de gloire pendant la présidence de George W. Bush sont de retour. Ils voient dans la passivité de Barack Obama face à Bachar el Assad la cause fondamentale de l’éclatement de l’Irak. En refusant de soutenir militairement l’opposition syrienne modérée quand il en était encore temps, Washington a favorisé la création d’un vide que les djihadistes ont aussitôt rempli avec l’appui des monarchies du Golfe et de la Turquie.

Le refus américain d’intervenir, de peur de se laisser entraîner dans de nouveaux conflits, et l’incapacité d’Obama de faire respecter les « lignes rouges » qu’il a lui-même proclamées encouragent les adversaires des Etats-Unis et de leurs alliés à tester jusqu’où ils peuvent aller trop loin. « L’Amérique n’est pas le gendarme du monde » expliquait Barack Obama en septembre dernier pour justifier sa volte face en Syrie et son refus de bombarder les positions de Bachar el Assad après le recours aux armes chimiques. Si les Etats-Unis se replient, d’autres puissances vont fatalement occuper l’espace qui s’ouvre à elles. La Chine en profite pour affirmer ses revendications maritimes, la Russie pour annexer la Crimée.

Barack Obama ne fait qu’exprimer l’immense lassitude des Américains après deux guerres coûteuses et infructueuses en Afghanistan et en Irak. A quoi bon se battre pour imposer la paix à des pays qui n’en veulent pas ? Les intérêts nationaux des Etats-Unis sont-ils vraiment en jeu en Syrie et en Irak ? N’est-il pas plus urgent de rétablir la puissance de l’économie américaine ? Posées de cette façon, ces questions justifient la tendance isolationniste qui domine aux Etats-Unis.

Avec l’accumulation de crises, il n’est pas sûr que la tonalité actuelle soit durable. Hillary Clinton lance sa campagne pour la présidentielle de 2016 en se démarquant de Barack Obama pour proposer une politique étrangère plus déterminée. L’ancienne secrétaire d’Etat reconnaît l’erreur commise lorsqu’elle avait approuvé la guerre en Irak mais reste très prudente sur le sujet et affirme qu’elle aurait agi bien plus tôt pour aider l’insurrection syrienne. Un certain nombre de néoconservateurs seraient prêts à se rallier à elle, surtout si le parti républicain de Ronald Reagan et John McCain choisissait pour candidat le très isolationniste sénateur Rand Paul du Kentucky…

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