En 1989, Eugene Dietz et sa fille Debra étaient abattus par Joseph Wood, le copain de celle-ci. Sa culpabilité n’a jamais été remise en doute et les proches des victimes avaient le droit d’obtenir une justice pleine et entière. L’État de l’Arizona leur a plutôt servi un bûcher digne de supplices infligés au Moyen Âge.
La semaine dernière, après lui avoir fait miroiter l’espoir d’un sursis à deux reprises — question d’éclaircir la constitutionnalité de la provenance du mélange de drogues demeurée secrète —, les autorités carcérales ont procédé à l’exécution de Wood.
Ce qui s’est produit par la suite est digne d’un film d’horreur. Wood a agonisé près de deux heures sur la table d’injection. Selon son avocat présent, il suffoquait et renâclait tout au long de la procédure bâclée.
Peut-on se prétendre surpris ? Le cocktail de drogues, un mélange de medazolam et d’hydromorphone, n’avait été utilisé qu’à une seule reprise avec des résultats presque aussi traumatisants en janvier (dans le cas de Dennis McGuire, en Ohio). Le cas fort médiatisé de Clayton Lockett en Oklahoma en avril vient à l’esprit, mais la liste complète d’exécutions bâclées est plutôt longue…
Nos pensées vont aux proches de Debra et Eugene Dietz. Elles vont aussi à la famille de Joseph Wood, qui s’estime aussi victime dans cette affaire.
Mais il y a également tout le personnel carcéral impliqué dans l’exécution. On vient carrément de traumatiser à vie ces gens-là après leur avoir ordonné de procéder à une exécution improvisée, alors qu’ils n’avaient pas les qualifications requises. D’anciens bourreaux tels que Jerry Givens en Virginie, Fred Allen au Texas ou encore Ron McAndrew en Floride et au Texas ne le savent que trop bien. « L’État n’a aucunement le droit de demander à des gens d’en tuer d’autres en son nom. Ce n’est rien de plus qu’un meurtre prémédité, et nous le faisons afin d’apaiser les politiciens qui veulent se montrer sévères envers les criminels », a dit l’un d’entre eux, Ron McAndrew.
Combien d’autres victimes seront créées par la peine capitale aux États-Unis avant qu’on prenne conscience du caractère inhumain d’un châtiment incompatible avec une société moderne ? Une peine qui n’est pas la solution la plus rentable, bien au contraire, et de loin la moins efficace dans la panoplie d’outils dont ils disposent, de la bouche même de l’ensemble des chefs de police américains. Une solution qui n’est pas dissuasive ; on n’a qu’à penser à la baisse de 42 % du taux d’homicides au Canada depuis l’abolition en 1976. Une peine, du reste, qui condamne à mort maints innocents, comme en témoignent des légions d’individus sauvés in extremis.
Enfin, c’est une peine qui n’apaise pratiquement jamais la douleur des membres de familles de victimes. Parlez-en aux 178 qui, en 2012, ont osé briser le silence au Connecticut pour dire au gouverneur Dannel Malloy : « Débarrassez-nous de cette peine inutile ! » Ils en sont venus à la conclusion que la peine de mort venait sévèrement nuire à leur quête de justice et leur enlever l’aide qu’ils pourraient obtenir. Le gouverneur Malloy a eu le courage politique nécessaire, tout comme son homologue du Maryland, l’année suivante. Il faut espérer que la trentaine d’États américains ne l’ayant pas encore fait en vienne rapidement à la même conclusion, avant que l’humanité en souffre davantage.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.