In recent times, it has become difficult to go into a bookstore, open a magazine or turn on the television without coming across the gloomy visage of Eric Zemmour. This genius provocateur has become the most sulfurous author of the fall thanks to his best-seller, “The French Suicide.”
Certainly serious, but also largely off the mark. It is not so much that Zemmour’s analysis is in error — without any doubt France suffers from a tattered economy and does not know what to do with its immigrants, and the ineptitude of its political class has henceforth come to light. No, Zemmour is wrong because he overestimates in an extreme way the gravity of the situation. A French suicide is just as probable as François Hollande and Valérie Trierweiler having a candlelit dinner in the salons of the Elysée.
In order to understand this better, it is necessary to turn our attention toward a country which really is on the path to suicide: the United States of America.
Take the results of the recent midterm elections. With their votes, American citizens decided to entrust control of the Senate to the Republican opposition while reinforcing its hold on the House of Representatives. This is the same Republican Party which shut down the government in 2013 for 16 days and which threatens to begin it all again in blocking practically all of the principal initiatives of President Obama. This is the same party through which the last head of state, George W. Bush, invaded a country on a foundation of lies, authorized recourse to torture and, before leaving, allowed the most serious economic crisis that the world had known in a century to develop.
“Obama Bashing”
These Republican exploits did not stop their last electoral campaign from wrapping itself around the image of President Obama, whose confidence rating has reached a historic low with 40 percent approval — even if French leaders would dream of this popularity. The exact reason for which Obama has been rejected by so many of his fellow citizens remains a mystery. After all, he has repaired the essential harms inflicted on the economy and American diplomacy by his predecessor, while putting in place major reforms of the healthcare and immigration systems. But Obama bashing is an outlet for national ill humor, and polls show regularly that, for the majority of Americans, their country “is going in the wrong direction.”
America is collapsing, in the literal sense. Everywhere in the country, engineers provide warning about the multitude of bridges and tunnels which the state doesn’t guarantee are safe for users. The country’s airports and highways are at maximum capacity; no high-speed train network exists to share the burden — where a train network does exist, it is inadequate. Its so-called “high-speed” Internet is the slowest in the developed world, something which doesn’t stop its operators from charging the highest prices. In spite of all these signs of deterioration, Obama’s calls to reconstruct the country’s infrastructure have fallen on deaf ears, those of Congress.
Americans also kill themselves, individually. Despite recent reform of the healthcare system, American doctors, medicines and hospitals remain the most expensive in the world without being the most efficacious. Public health indicators are below the average of rich countries, including life expectancy and infant mortality. Around two-thirds of American adults are overweight, half of them truly obese; French rates are half of these. Because contraception — and the information that accompanies it — is limited, more than 30 percent of adolescents have become pregnant at least once, 80 percent of them without wanting it.
A Durable Nation
If their bad habits didn’t suffice to send them to their maker, Americans can count on their guns — there are 300 million of them throughout the country, practically one per person. Each year, 31,000 people die by gunfire in the United States, at least 16 times more than in France. School shootings have become so common — there have been nearly 100 since the shooting at Newtown in December 2012, during the course of which 20 children were murdered in their elementary school — that they no longer make page one in the newspapers. Sometimes, a single death by gunfire can excite passion, as in the recent murder of a young unarmed black man by a white police officer in Ferguson, Missouri. The riots which followed underline another problem which continues to tear apart the country: its racial divide.
In comparison with this dark picture, France doesn’t appear to be inhabited by suicidal impulses. Americans love to mock French people but, seen from the other side of the Atlantic, France is in pretty good shape: high-speed trains, a healthcare system which is among the world’s best, healthy food, an enviable lifestyle, veneration for culture, leisure and education that the United States has never known.
More seriously, France is a remarkably durable nation which has survived all sorts of invasions, the most savage religious wars, several bloody revolutions, imperfect republics, disastrous wars of decolonization and the 35-hour workweek. Without forgetting immigration, which has permitted people like Marie Curie, Picasso or Zinédine Zidane to raise the colors of their country. No, I am convinced that France is going to remain a dynamic nation always capable of more, and that French suicide will remain a Zemmourian chimera. I would not say as much for America.
Le suicide américain, par Donald Morrison
Ces derniers temps, il est devenu difficile d’entrer dans une librairie, d’ouvrir un magazine ou d’allumer sa télévision sans tomber sur le ténébreux visage d’Eric Zemmour. Ce provocateur de génie est devenu l’auteur le plus sulfureux de la rentrée grâce à son best-seller, Le Suicide français (Albin Michel, 544 p., 22 euros). Au premier abord, j’ai cru qu’il s’agissait d’un polar. Mais non, le livre se veut un ouvrage sérieux.
Sérieux certes, mais aussi largement à côté de la plaque. Ce n’est pas tellement que l’analyse de Zemmour soit erronée – sans le moindre doute la France souffre d’une économie en lambeaux, ne sait pas quoi faire de ses immigrés et l’ineptie de sa classe politique a désormais éclaté au grand jour. Non, Zemmour a tort car il surestime à l’extrême la gravité de la situation. Un suicide français est tout aussi probable qu’un dîner aux chandelles entre François Hollande et Valérie Trierweiler dans les salons de l’Elysée.
Pour le comprendre, il faut tourner son regard vers un pays qui est vraiment en train de se donner la mort : les Etats-Unis d’Amérique.
Prenez les résultats des récentes élections de mi-mandat. Par leur vote, les citoyens américains ont décidé de confier le contrôle du Sénat à l’opposition républicaine tout en renforçant sa mainmise sur la Chambre des représentants. Ce même Parti républicain qui a baissé le rideau de l’administration en 2013 pendant les dix-sept jours de shut down, et qui menace de recommencer tout en bloquant pratiquement chacune des principales initiatives du président Obama. Ce même parti dont le dernier représentant à la tête de l’Etat, George W. Bush, a envahi un pays sur le fondement de mensonges, a autorisé le recours à la torture et, avant de partir, a laissé se propager la plus grave crise économique que le monde ait connue depuis un siècle.
« Obama bashing »
Ces hauts faits républicains n’ont pas empêché la dernière campagne électorale de se nouer autour de l’image du président Obama, dont la cote de confiance a atteint un plus bas historique avec 40 % d’opinions positives (même s’il est des responsables français que cette popularité ferait rêver). La raison exacte pour laquelle Obama est l’objet d’un rejet par tant de ses concitoyens demeure un mystère. Après tout, il a réparé l’essentiel des dommages causés à l’économie et à la diplomatie américaine par son prédécesseur tout en mettant en œuvre des réformes majeures des systèmes de santé et d’immigration. Mais l’Obama bashing est un exutoire pour l’humeur nationale, et les sondages montrent de façon constante que, pour la plupart des Américains, leur pays « va dans la mauvaise direction ».
L’Amérique s’effondre, au sens propre. Partout dans le pays, des ingénieurs mettent en garde contre la multitude de ponts et de tunnels dont l’état ne garantit pas la sécurité de ceux qui les empruntent. Les aéroports et les autoroutes du pays sont au maximum de leurs capacités, il n’existe pas de réseau de train à grande vitesse (le réseau ferroviaire est lui-même dérisoire, là où il existe) pour partager le fardeau. L’Internet dit « à haut débit » est le plus lent du monde développé, ce qui n’empêche pas les opérateurs d’appliquer les tarifs les plus élevés. En dépit de tous ces signes de détérioration, les appels d’Obama à reconstruire les infrastructures du pays sont tombés dans l’oreille d’un sourd, celle du Congrès.
Les Américains se tuent également eux-mêmes, individuellement. Malgré la récente réforme du système de santé, les médecins, les médicaments et les hôpitaux américains demeurent les plus chers du monde sans pour autant toujours être les plus efficaces. Les indices de santé publique sont au-dessous de la moyenne des pays riches, y compris pour l’espérance de vie et la mortalité infantile. Environ deux tiers des adultes américains sont en surpoids, la moitié d’entre eux sont franchement obèses (c’est deux fois moins en France). Parce que la contraception – et l’information qui l’accompagne – est limitée, plus de 30 % des adolescentes sont tombées enceintes au moins une fois, 80 % d’entre elles sans l’avoir désiré.
Nation durable
Et, si leurs mauvaises habitudes ne suffisaient pas à les envoyer ad patres, les Américains peuvent compter sur leurs armes à feu – il y en a 300 millions dans tout le pays, pratiquement une par habitant. Chaque année, 31 000 personnes meurent par arme à feu aux Etats-Unis, c’est 16 fois plus qu’en France. Les fusillades dans les écoles sont devenues si courantes – il y en a eu près de 100 depuis la fusillade de Newton en décembre 2012, au cours de laquelle 20 enfants ont été assassinés dans leur école primaire – qu’elles ne font même plus la « une » des journaux. Parfois, un seul décès par arme à feu peut susciter la passion, comme dans le récent assassinat d’un jeune Noir non armé par un policier blanc à Ferguson, dans le Missouri. Les émeutes qui ont suivi soulignent un autre problème qui continue à déchirer le pays : la fracture raciale.
En comparaison de ce tableau noir, la France ne semble pas habitée de pulsions suicidaires. Les Américains adorent se moquer des Français mais, vu d’outre-Atlantique, l’Hexagone est en plutôt bonne forme : des trains à grande vitesse, un système de santé parmi les meilleurs au monde, une nourriture saine, un mode de vie enviable, une vénération pour la culture, les loisirs et l’éducation que les Etats-Unis n’ont jamais connue.
Plus sérieusement, la France est une nation remarquablement durable qui a survécu à toutes sortes d’invasions, aux guerres de religion les plus sauvages, à plusieurs révolutions sanglantes, à des républiques imparfaites, à des guerres de décolonisation désastreuses et aux 35 heures. Sans oublier l’immigration, qui a permis à des personnes comme Marie Curie, Picasso ou Zinédine Zidane de porter haut les couleurs du pays. Non, je suis convaincu que la France va demeurer une nation dynamique toujours capable du meilleur, et que le suicide français restera une chimère zemmourienne. Je n’en dirais pas autant de l’Amérique.
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