“Somos todos americanos!” Le slogan restera dans les mémoires comme une sorte de “Yes we can” version salsa. Voilà de quoi remplir les deux prochaines années et redoper un Barack Obama trop souvent rapproché de Jimmy Carter.
Historique. L’événement s’accompagne d’une volée d’adjectifs et d’un concert de louanges. En annonçant, avec une résonance médiatique planétaire, la reprise de relations diplomatiques entre les Etats-Unis et Cuba, Barack Obama a-t-il enfin atteint le point d’orgue de son double mandat? Ce n’est pas faute d’avoir exploré plusieurs autres voies. Avant de déclarer, au sujet de ce réchauffement spectaculaire avec La Havane, “Somos todos americanos” (“Nous sommes tous américains”), slogan qui restera dans les mémoires comme une sorte de “Yes we can” version salsa, il avait à différentes reprises recouru à des fragments de glossolalie pour laisser un phrasé en guise d’empreinte. Obama avait ainsi utilisé le persan, à destination de l’Iran…
Mais l’Orient est visiblement trop compliqué pour lui. Il n’a obtenu, à ce jour, aucun résultat directement exploitable en termes de popularité avec le régime de Téhéran; encore moins dans le conflit israélo-palestinien; et la Turquie, dont il espérait tant vis-à-vis de la Syrie et de l’Irak, affiche visiblement un tout autre agenda que celui que Washington voudrait la voir suivre.
L’Extrême-Orient lui a mieux réussi, illustration de sa théorie du “pivot”, ce redéploiement stratégique américain global qui doit s’effectuer au profit de l’Asie (parfois au détriment de l’Europe). Il peut en effet revendiquer un succès remarquable avec la Chine, puisqu’il a récemment obtenu d’elle un accord sur la limitation des émissions de CO2- ce qui n’est pas rien ! Mais cette avancée, pour être décisive, n’a pas d’impact direct sur l’opinion publique américaine.
Un rapprochement approuvé par les électeurs
Reste l’enjeu continental des Amériques, dont la composante cubaine se situe idéalement au croisement de deux préoccupations. Sur le plan intérieur, dans un pays dont 17% de la population (et 26% des naissances) est d’origine latinoaméricaine, le rétablissement de liens prometteurs avec Cuba marque un tournant qui a le soutien des minorités concernées -et, au-delà, celui des communautés noires. Il est même approuvé par l’ensemble des électeurs, ce qui marginalise les républicains grincheux comme les durs de la première immigration cubaine (celle des années 1959 à 1961).
D’une part, les conservateurs qui restent idéologiquement crispés sur le blocus de Cuba risquent de se diviser au sujet de l’ouverture subitement faite par Obama au “business” des échanges, très favorable aux Etats-Unis. D’autre part, la deuxième vague d’immigrés cubains, depuis les années 1980, est, à l’inverse de la première, très favorable à la libéralisation des transferts de fonds vers les familles d’origine, manne absolument indispensable à une économie cubaine exsangue, au développement des voyages et de l’import-export.
Sur le plan extérieur, Obama réagit à temps aux investissements croissants effectués par de nombreux pays qui cherchent à s’implanter aux Caraïbes. La Chine vient à l’esprit en premier lieu, mais Vladimir Poutine a pris le temps de se rendre à Cuba, en juillet 2014, pour annoncer l’annulation de 90% de la dette de l’île envers l’ancienne Union soviétique et s’assurer que la Russie s’implanterait bien dans le port de Mariel. C’est aussi à Mariel que le Brésil est massivement engagé dans la modernisation et l’équipement en infrastructures annonciatrices d’une intensification des activités et du trafic.
Facteur absolument déterminant, la montée en force des pays d’Amérique latine exerce désormais une pression considérable sur le grand voisin yankee. En avril 2015, lors du sommet des Amériques, qui réunit les deux continents, des pays majeurs (dont le Brésil) ont annoncé qu’ils boycotteraient la rencontre si Cuba était encore une fois tenu à l’écart. Une gifle qu’Obama vient de s’épargner.
Le rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba, la perspective de la levée du blocus (qui ne peut être décidée que par le Congrès), une visite de Raul Castro à Washington ou de son homologue américain à La Havane, voilà de quoi remplir les deux prochaines années et redoper un Barack Obama trop souvent rapproché de Jimmy Carter.
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