“Charlie Hebdo” : Obama n’a toujours pas compris
Le service minimum des Américains après les attentats vient en partie de leur difficulté à admettre que le terrorisme peut aussi être un mal intérieur.
Comme prévu, John Kerry, le francophone et francophile secrétaire d’État américain, a fait ce qu’il fallait vendredi à Paris pour manifester la solidarité des États-Unis après les actes de terrorisme barbares qui ont frappé la France. Un “hug” appuyé à François Hollande dans la cour de l’Élysée, un dépôt de gerbe à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, un autre devant l’immeuble de Charlie Hebdo, avec même un temps d’arrêt pour lire les mots émouvants d’anonymes affichés devant la porte.
Il fallait absolument faire oublier l’absence à la marche du 11 janvier d’un représentant à la hauteur d’une amitié portée à un pays qui, de Lafayette à l’Afghanistan, a toujours été aux côtés des Américains. Pourtant, les éditorialistes d’outre-Atlantique ont remarqué à quel point Barack Obama avait été gêné par ce qui s’est passé à Paris. S’il a fait le service minimum en allant apposer un vibrant “Vive la France” sur le livre de condoléances de l’ambassade de France, il est resté presque muet sur ce qui provoquait pourtant un élan sans précédent de solidarité d’un bout à l’autre du monde. Certes, on voyait bien que les dessins irrévérencieux des caricaturistes de Charlie Hebdo se moquant sans aucune retenue des religions pouvaient contraindre le président d’un pays où l’on demande à Dieu à chaque fin de discours “de bénir l’Amérique” à rester discret dans ses épanchements de solidarité.
Déclaration convenue
En revanche, la prise d’otages de la porte de Vincennes, l’assassinat délibéré de Français parce qu’ils étaient juifs, aurait dû provoquer d’immédiats sursauts d’indignation à la Maison-Blanche. Là aussi, on a dû se contenter d’une déclaration convenue du porte-parole de la présidence.
Il est probable que ce qui vient de se passer à Paris perturbe la ligne directrice qu’Obama a fixée au moment de sa réélection en 2012. Ce qui peut expliquer qu’il est à côté de la plaque. Comme le rappelle l’éditorialiste du Washington Post Charles Krauthammer : “Pour Obama, la guerre contre le terrorisme est terminée depuis la mort de Ben Laden et avec elle la débandade d’al-Qaida.” D’ailleurs, poursuit en substance l’éditorialiste, il en tire les conséquences en remettant en cause les principaux aspects de l’autorisation donnée par le Congrès en 2001 pour l’usage sans restriction de la force armée afin de lutter contre le terrorisme. De la même façon qu’il essaie d’accélérer la libération des derniers prisonniers de Guantánamo. Cinq de plus ont été remis en liberté cette semaine.
Nouvelle mutation de la nébuleuse terroriste
Mais après les tueries à Charlie Hebdo et dans l’Hyper Cacher n’est-il pas plus difficile de proclamer aujourd’hui que la guerre est finie ? De plus, après la première phase, celle du 11 Septembre, qui était une attaque organisée, montée, téléguidée de l’étranger avec des terroristes venus d’autres pays, on était passé à une autre étape : celle des loups solitaires, des kamikazes auto-contrôlés, sans lien évident, autre que l’idéologie, avec al-Qaida ou l’État islamique. Mais, là aussi, ils étaient étrangers au pays dans lequel ils opéraient. Avec les attentats de Paris, on est entré dans une nouvelle mutation de la nébuleuse terroriste. Avec des tueurs sans doute plus superficiellement fanatisés dans l’islam que leurs prédécesseurs. Des hommes par ailleurs immergés dans le grand banditisme qui leur a fourni des armes, des munitions et l’argent pour les acquérir. Mais, enfin et surtout, des terroristes qui sont nés, ont été élevés et ont toujours habité dans le pays où ils opèrent. Dans des cités au communautarisme de plus en plus exacerbé. Des zones qui précisément ressemblent fortement à ce qui existe aux États-Unis. Ce qui explique la dernière déclaration de Barack Obama, qui, alors qu’il recevait, vendredi, David Cameron à la Maison-Blanche, a voulu montrer aux Américains que leur pays ne risquait pas cette nouvelle forme de terrorisme endogène qui vient de faire son apparition à Paris : “Notre principal avantage, a dit le président américain, est que notre population musulmane n’a pas de problème à se sentir américaine. Ce qui n’est pas le cas en Europe.”
Certes, les candidats au djihad en Syrie ou en Irak, dont l’Europe craint à juste titre la dangerosité à leur retour, ne sont – pour le moment – pas très nombreux à partir des États-Unis. Mais le précédent de Nidal Malik Hasan, ce sous-officier de l’armée américaine qui, en 2009, a tué treize personnes et en a blessé trente en lâchant des rafales d’armes automatiques à Fort Hood et en criant “Allah Akbar”, montre qu’Obama devrait afficher plus de modestie dans ses comparaisons et ses implicites condamnations.
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