Barack et Bill, les deux handicaps de Hillary Clinton
“Hello Iowa, me revoilà !” Hillary Clinton, après l’annonce dimanche de sa candidature, a commencé le marathon qui pourrait l’amener à la présidence des États-Unis en 2016, là précisément où elle avait perdu toute chance en 2008. Alors qu’elle avait 20 % d’avance dans les sondages, elle s’était fait battre au caucus de cet État, qui ouvre traditionnellement en janvier la saison des primaires, par un sénateur noir démocrate de l’Illinois, sans aucune expérience, du nom de Barack Obama.
Huit ans après, Hillary revient dans la course avec cette fois de bonnes chances de l’emporter. Au moins aux primaires de son parti. Car aucun des candidats jusqu’alors déclarés ou prévisibles ne semble pouvoir faire le poids. Même si, comme le fait remarquer The Economist, les électeurs américains veulent un choix, pas un couronnement.
Pourtant, celui-ci semblerait logique pour une femme qui a 25 ans d’expérience politique derrière elle, a déjà passé 8 ans à la Maison-Blanche, 8 au Sénat, 4 au département d’État et porte haut la défense du droit des femmes dans un pays où cela peut contribuer à faire des majorités. Or étrangement, cette féministe militante pourrait être gênée dans son ascension par deux hommes. Non pas parce qu’ils ne partagent pas ses idées. Mais parce que justement son parrainage pour l’un et sa présence presque intrusive pour l’autre pourraient se révéler contre-productifs pour Hillary.
Assumer l’héritage sans y adhérer
Suspecté de vouloir jouer les sponsors : le président sortant Barack Obama. N’a-t-il pas déclaré, sans même attendre que sa candidature soit officielle : “Hillary Clinton ferait un excellent président.” Cet adoubement, dont la sincérité, en plus, n’est pas démontrée tant leurs relations ont été conflictuelles, est tout simplement un premier atout donné aux républicains. Six Américains sur 10, selon des sondages concordants, souhaitent en effet que le ou la futur(e) président(e) fasse une politique différente de celle d’Obama. Démocrate, essayant pour la première fois dans l’histoire contemporaine des États-Unis de succéder à un président démocrate, Hillary Clinton est donc confrontée à ce problème : elle doit assumer l’héritage, mais sans y adhérer.
Il est de notoriété publique qu’en politique étrangère, notamment, l’ancienne secrétaire d’État souhaitait une politique plus musclée : qu’il s’agisse de l’Afghanistan – où elle a regretté que le président ait annoncé à l’avance la date du départ des troupes américaines – ou de la Syrie – où, comme les chefs militaires, elle aurait souhaité que l’Amérique arme et soutienne la rébellion modérée contre Bachar el-Assad. Ce qui aurait peut-être empêché le développement du califat d’al-Baghdadi. Sans compter la négociation avec l’Iran, dans laquelle elle prêchait pour plus de fermeté. Et de prudence.
Mais si Hillary peut prendre quelque distance avec certains des aspects de la politique d’Obama, elle ne peut trop en faire dans la critique, au risque de se couper de ceux qui ont fait roi l’avocat de Chicago. Le vote ethnique, celui des Noirs, mais aussi des Latinos, si elle parvient à le mobiliser comme l’avait fait Obama, peut être déterminant dans l’élection.
Le clan des Clinton
Il va falloir aussi à l’ancienne sénatrice de New York faire oublier l’image “Clinton and Co”, qui lui a probablement valu son échec de 2008. Cette impression d’une entreprise familiale, success-story de l’establishment de Washington, dont Hillary était le manager, mais dont Bill tirait les ficelles. À 68 ans, l’ancien président continue de bénéficier d’une cote de popularité supérieure à celle de sa femme : 56 contre 44 % pour Hillary. Son charisme toujours intact, mais aussi son réseau, notamment pour recruter des donateurs, sont sans doute indispensables à la candidate. Mais il ne faut pas qu’il donne l’impression de la cornaquer, comme il l’avait fait en 2008, en multipliant les meetings qui donnent forcément une impression de déjà-vu, accréditant l’idée martelée dès maintenant par les républicains que Hillary est une candidate du passé. D’autant que le fonctionnement et le financement, pour le moins ambigu, de la puissante fondation de Bill peuvent devenir, dans une campagne, une fragilité de plus pour celle qui veut séduire en priorité les classes moyennes.
C’est une raison supplémentaire pour que Hillary mette cette fois en avant sa fille, Chelsea. À 34 ans, cette jeune mère fait – quel hasard – la couverture du Elle américain de mai. Elle milite dans son interview, pour que “dans notre pays où tout le monde a sa chance, cette chance ne soit pas entravée par des discriminations de sexe. Un défi, dit-elle, que nous pouvons relever. En élisant notre première femme président”. La machine médiatique Clinton est bien lancée.
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