The US Federal Reserve Proceeds with Caution Toward Rate Hikes

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La Réserve fédérale américaine s’engage avec prudence sur la voie de la hausse des taux

Rarement décision monétaire n’aura été autant anticipée. Après des mois d’atermoiements, la Réserve fédérale (Fed), a fini par relever ses taux d’un quart de point, mercredi 16 décembre. Même s’il s’agit du premier resserrement monétaire aux Etats-Unis depuis neuf ans et demi, ce mouvement de la banque centrale américaine n’est pas réellement une surprise. Sa présidente, Janet Yellen, après avoir longuement préparé les esprits, pouvait difficilementretarder l’échéance sans risquer d’entacher la crédibilité de la Fed.

En effet, après avoir injecté 2500 milliards de dollars dans l’économie américaine pour la faire repartir après la crise financière et après avoir maintenu pendant sept ans ses taux d’intérêt à zéro, la banque centrale considère que ses objectifs – le retour au plein-emploi et une inflation de 2 % – sont sur la bonne trajectoire. « Nous pensons que les conditions nous nous sommes fixés pour bouger [les taux] sont remplies », a expliqué Mme Yellen au cours de sa conférence de presse, ajoutant que continuer à maintenir les taux à zéro conduirait à « amoindrir nos marges de manœuvre en cas de chocs [économiques] négatifs ».

Toutefois, le mouvement devrait se faire à pas comptés. Dans son communiqué, la Fed évoque une remontée des taux « graduelle », ceux-ci étant « susceptibles de rester pour un certain temps en dessous des niveaux qui devraientprévaloir sur le plus long terme ». Les taux qui vont osciller désormais dans une fourchette de 0,25 % à 0,50 %, devraient poursuivre leur ascension à raison d’un point de pourcentage par an, ce qui devrait les conduire à un niveau de 3,3 % d’ici 2019.

« La Fed reste frileuse »

Cette extrême prudence dans le rythme du resserrement a permis au Comité de politique monétaire de la Fed de se prononcer à l’unanimité. Mme Yellen a d’ailleurs appelé à ne pas « surestimer » la signification de cette première hausse de taux, soulignant que la politique monétaire américaine resterait globalement accommodante.

« On sent que la Fed reste frileuse, alors qu’elle aurait dû augmenter ses taux en début d’année dans l’année dans la mesure où les indicateurs économiques étaient déjà satisfaisants, analyse Georges Ugeux, qui dirige un cours sur les banques centrales à l’Université de Columbia (New York). Aujourd’hui, la Fed ne fait que suivre le mouvement et en matière de taux ce n’est pas nécessairement un compliment. »

Cela dit, la voie que peut emprunter la banque centrale américaine reste étroite. « La Fed se plie en quatre pour garantir aux marchés que, en s’engageant sur une voie “progressive”, ce ne sera pas un cycle traditionnel de taux d’intérêt », commente Mohamed El-Erian, économiste chez Allianz, en référence au rythme rapide de hausse qui avait prévalu par exemple sous la présidence d’Alan Greenspan. Le message semble avoir été reçu cinq sur cinq : la séance à Wall Street a clôturé sur une note nettement positive, le Dow Jones prenant 1,27 % et le Nasdaq 1,52 %. Sur le marché des changes, le dollar, qui devrait être dopé par la hausse des taux américains, ne s’appréciait qu’à la marge face à l’euro et au yen, les cambistes ayant visiblement intégré que le resserrement monétaire serait progressif.

Mais si la Fed a agi avec doigté, c’est surtout parce que la situation à laquelle elle est confrontée reste inédite. Malgré les propos rassurants sur la solidité de la croissance américaine tenus par Mme Yellen mercredi et un chômage à 5 %, l’alignement des planètes est loin d’être parfait. Ainsi, « l’inflation reste de façon persistance en deçà des objectifs de la Fed », constate Andrew Levin, professeur d’économie au Dartmouth College (New Hampshire) et ancienconseiller spécial auprès de Ben Bernanke, le prédécesseur de Mme Yellen.

Pourquoi agir maintenant ?

L’indicateur privilégié par la Fed dans ce domaine, l’indice des prix des dépenses liées à la consommation des ménages arrive péniblement à 1,3 % en excluant l’alimentation et l’énergie. Selon les anticipations de la Fed publiées mercredi, son objectif de 2 % ne serait atteint qu’en… 2018. Quant aux augmentations salariales, elles se font toujours désirer. « On va devoir réécrire les livres de macroéconomie, ironise M.Ugeux. Cela fait cinq ans qu’on nous annonce que l’inflation va repartir et qu’elle ne repart pas. Je crois que les prix sont aujourd’hui beaucoup plus influencés par le pouvoir d’achat que par les taux d’intérêt. Il serait temps qu’on s’intéresse plus à l’économie réelle et à ce que font les entreprises ».

Alors, face à des pressions inflationnistes encore hypothétiques, pourquoi agir maintenant sur les taux ? Mme Yellen s’est justifiée en expliquant qu’en intervenant trop tard face à une hausse des prix, cela nécessiterait « un resserrement brutal » qui « pourrait augmenter le risque de récession ».

Mais certains estiment que cette hausse des taux est déjà bien tardive, alors que le cycle de reprise menace de toucher à sa fin. Celui-ci a en effet démarré il y a 78 mois, une durée exceptionnelement longue au regard des périodes précédentes. D’ailleurs des signes d’essoufflement commencent à se manifester. Parmi eux, on peut citer le recul de la production industrielle depuis trois mois consécutifs, le retournement des taux d’utilisation des capacités de production depuis le début de l’année et enfin le profit des entreprises qui est désormais globalement orienté à la baisse. Quant au taux chômage, on sait que son niveau ne reflète qu’une partie de la réalité du marché du travail, étant donné que plusieurs dizaines de millions d’Américains sans emploi n’apparaissent pas dans les statistiques.

Mais la Fed ne pouvait pas prendre le risque d’attendre que tous les clignotants soient au vert pour agir, préférant prendre une décision qui reste somme toute assez symbolique. « L’effet macroéconomique immédiat sera insignifiant », anticipe M. Ugeux. Comme l’a souligné Mme Yellen, « les emprunts à long terme ne vont sans doute pas bouger beaucoup », le but de cette première hausse étant avant tout de refléter « notre confiance dans l’économie américaine ». La banque centrale table ainsi sur une croissance de 2,4 % en 2016, soit 0,3 point de mieux que cette année, avant une légère décélération en 2017 avec une hausse du PIB de seulement 2,2 %. On dit souvent que c’est le premier pas qui coûte. Mais pour la hausse des taux, le plus dur est sans doute à venir.

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