Face à Trump, les deux combats d’Hillary Clinton
Hillary Clinton doit réconcilier deux groupes d’électeurs : les républicains rebutés par Trump, et ceux qui ont voté pour Bernie Sanders.
La campagne présidentielle s’annonce comme l’une des plus nauséabondes de l’histoire : tous les coups seront permis.
Dans la poche ? Hillary Clinton a beau être une candidate fragile en campagne, qui s’est fait souvent tacler par ses adversaires – de Barack Obama, un jeune sénateur inconnu de l’Illinois en 2008 à un vieux sénateur socialiste du Vermont, Bernie Sanders, cette année –, elle a cette fois-ci un jeu plus sûr en main.
Même si, à l’issue de la rencontre jeudi entre Donald Trump et le leader républicain à la Chambre des représentants, Paul Ryan, le Grand Old Party se résout à donner son appui au milliardaire new-yorkais comme candidat, Hillary Clinton est sans nul doute en pole position pour remporter l’élection présidentielle de novembre.
A six mois du scrutin, l’ex-First Lady distance Donald Trump d’une douzaine de points dans les intentions de vote. Dans tous les sondages réalisés à l’échelle nationale rassemblés par RealClearPolitics depuis juillet 2015, date de l’entrée du milliardaire new-yorkais dans la course à la Maison-Blanche, le magnat de l’immobilier n’aura été en tête que 6 fois sur 64. Elle aura été la favorite 81 % du temps. Encore mieux : un sondage réalisé par CNN-ORC juste avant la primaire de l’Indiana (remportée par son opposant Bernie Sanders et marquée par le retrait des deux autres candidats républicains Ted Cruz et John Kasich) indiquait que, lors de l’élection générale, 84 % des électeurs républicains la choisirait plutôt que Trump. En clair, l’ascension vertigineuse du candidat Donald Trump, porté par une vague populiste, s’arrêterait net dès lors qu’il s’agira de choisir, pour de vrai, le « commander in chief », au profit d’une candidate certes peu aimée, mais considérée comme capable et expérimentée.
De quoi doper les espoirs de l’intéressée, qui, après les deux mandats de Barack Obama, a la possibilité de prolonger la durée de vie des démocrates au sommet de l’Etat. Pour cela, elle doit rassembler et engager le duel. Malheureusement, elle ne pourra pas le faire dans cet ordre.
D’abord parce que, contrairement à son adversaire, elle est encore engagée dans une lutte pour l’investiture de son propre parti. Pour le camp Clinton, « Bernie Sanders est l’un de ces monstres de série B qui refusent de mourir », a joliment écrit Edward Luce du « Financial Times ». Il a attiré à lui toute une jeunesse heurtée par le creusement des inégalités, le poids de plus en plus insupportable du financement des études, et dotée d’une envie de faire les choses différemment. Parmi les moins de 30 ans, sept sur dix ont voté Sanders pendant les primaires. « Les jeunes apprécient l’authenticité de Bernie Sanders, mais qu’ont-ils connu du capitalisme ? La crise financière, le poids des prêts étudiants ? Mais ils ne connaissent pas davantage le communisme ! », observe Bob Zoellick. un républicain modéré, ancien patron de la Banque mondiale.
Grand écart
Face à cette jeunesse pleine d’attentes, dont Bernie Sanders poussera les revendications jusqu’à
la ¬convention de Philadelphie en juillet, la candidate veut offrir une image pragmatique. « Elle n’est pas dans le diagnostic, elle fait le travail, elle trouve les solutions », répète à l’envi son directeur de campagne, Joel Benenson, dans les médias. Elle doit absolument retenir cette gauche vibrante, éviter qu’elle ne se désengage faute de pouvoir soutenir le sénateur du Vermont, ou, pis, lui préférer Trump juste parce qu’il est le candidat anti-establishment. Cela impliquerait un sérieux coup de barre à gauche dans son discours alors qu’elle a besoin de viser le centre si elle veut bien s’assurer du vote des républicains modérés.
Il lui faut donc réconcilier deux groupes d’électeurs : les dégoûtés de Trump (65 % de l’électorat a une vue négative de lui selon les sondages, contre 55 % pour Hillary Clinton) et les supporters de Sanders. Un grand écart difficile à négocier, que l’impopularité de la candidate n’aide pas à combler. Certains sont pourtant déjà prêts à franchir le Rubicon, comme l’ancien ¬conseiller de l’ex-candidat républicain John McCain Mark Salter. Mais ils attendent des gages pour travailler avec elle au Congrès. C’est particulièrement vrai pour la Chambre des représentants, où les républicains devraient conserver la majorité à l’automne. En revanche, ils risquent de perdre le Sénat, qu’ils contrôlent aujourd’hui à 53 contre 47 sièges.
Depuis le désistement des derniers candidats républicains après la primaire de l’Indiana, le ton est devenu encore plus agressif entre les deux prétendants à la Maison-Blanche. Les observateurs ¬politiques se préparent à l’une des campagnes les plus sanglantes et les plus boueuses de l’histoire. L’équipe de Clinton balance de nouveaux spots télévisés chocs : extraits de Jeb Bush, Marco Rubio, Mitt Romney et Carly Fiorina qui mitraillent de critiques « the Donald ».
En réponse, ce dernier, pour qui tous les coups sont permis, a taxé son opposante d’hypocrisie pour avoir laissé faire et passé sous silence les liaisons extraconjugales de son mari, Bill Clinton. « Hillary a fait du mal à beaucoup de femmes, les femmes qu’il a abusées. » C’est plus sur le terrain des attaques personnelles que sur celui des programmes qu’il faut attendre leurs échanges à venir. Et même si la question de sa correspondance électronique sur un serveur privé est toujours étudiée par la justice – un paramètre sur lequel elle a peu de prise – Hillary Clinton est pour le reste de taille à se défendre.
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