Lors d’entrevues accordées aux médias ces derniers jours, tant le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, que le sénateur du Kentucky, Rand Paul, se demandaient si Donald Trump se présentera pour un second mandat en 2020, cachant à peine leur crainte (ou leur souhait ?) que le milliardaire emboutisse la voiture présidentielle contre un mur. Le premier mandat de Trump pourrait toutefois connaître un dénouement moins dramatique que celui voulu par ses détracteurs.
Les Pères fondateurs des États-Unis ont certes doté le Congrès du pouvoir de destituer le président, mais les législateurs y ont seulement recouru trois fois : Andrew Johnson (en 1868) et Bill Clinton (en 1998) ont été mis en accusation par la Chambre des représentants, mais ont été acquittés par le Sénat, tandis que Richard Nixon (en 1974) a démissionné de la présidence avant que la Chambre ne vote formellement pour l’accuser d’entrave à la justice dans l’affaire du Watergate.
Les neuf premiers mois de la présidence Trump et l’enquête du procureur spécial Bob Mueller sur l’ingérence russe dans l’élection de 2016 ont incité quelques démocrates à introduire à la Chambre des projets de résolution visant à destituer « The Donald ». Or, même si plus de 40 % des Américains aimeraient que Trump soit destitué, au moins deux facteurs rendent cette éventualité peu probable à court terme : d’une part, l’enquête de Mueller n’a pas, pour l’instant, permis de prouver hors de tout doute que Trump aurait demandé à l’ancien directeur du FBI James Comey d’abandonner une enquête sur les liens entre l’ancien conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn et la Russie (entrave à la justice).
Sans une telle preuve (ou sans la découverte d’un autre pot aux roses), les arguments de ceux qui souhaiteraient destituer Trump ont peu de poids. D’autre part, les démocrates sont minoritaires dans les deux chambres du Congrès et n’ont donc ni les votes ni les leviers institutionnels au Capitole (dont le pouvoir de déterminer les sujets débattus en assemblée plénière) pour gagner une éventuelle bataille visant à destituer Trump.
Le président affaibli ?
La situation pourrait toutefois changer au lendemain des élections de mi-mandat de novembre 2018, où les démocrates souhaitent reprendre le contrôle des deux chambres du Congrès. Historiquement, le parti du président perd presque toujours des sièges au Capitole lors des midterms, qui s’apparentent souvent à une élection référendaire sur la performance du président.
Avec 38 % d’appuis à un an du scrutin, Trump figure parmi les présidents les moins populaires de l’histoire à l’approche d’une élection de mi-mandat. S’il est incapable de redorer son blason ou si ses appuis diminuent au cours des prochains mois, les républicains pourraient en payer le prix. On pourrait ainsi assister à un retournement électoral semblable à ceux de 1946 et de 2006, où le démocrate Harry Truman (27 % d’appuis au sein de l’électorat) et le républicain George W. Bush (37 % d’appuis) avaient perdu leurs majorités au Congrès.
Les démocrates ne doivent cependant pas se réjouir trop vite : d’une part, les plus récents indicateurs économiques (taux de chômage à son niveau le plus bas en 17 ans, croissance du produit intérieur brut d’au moins 3 % au cours des deux derniers trimestres, etc.) pourraient aider Trump et les républicains à atténuer la colère des électeurs. D’autre part, les démocrates détiennent 23 des 33 sièges en jeu au Sénat, et au moins cinq de leurs membres sont actuellement vulnérables : Joe Manchin (Virginie-Occidentale), Heidi Heitkamp (Dakota du Nord), Claire McCaskill (Missouri), Ben Nelson (Floride) et Joe Donnelly (Indiana).
Le président défié ?
Or, si les démocrates remportent les midterms de 2018, les frustrations qui en résulteront parmi les élus républicains pourraient en inciter plusieurs à couper définitivement les ponts avec Trump, à l’instar des sénateurs Bob Corker (Tennessee) et Jeff Flake (Arizona), qui accusaient récemment le milliardaire d’être indigne d’occuper la fonction présidentielle.
Il est politiquement risqué pour les républicains de se rebeller contre Trump pour l’instant : 78 % des électeurs s’identifiant au parti continuent d’appuyer le président. Cependant, les appuis de la base républicaine à Trump ont chuté de 10 % depuis janvier. Si cette tendance se poursuit, d’autres membres du Grand Old Party seront probablement tentés d’imiter Flake et Corker. D’autres iront peut-être même jusqu’à défier Trump aux primaires républicaines en vue de l’élection présidentielle de 2020.
L’histoire montre que les guerres fratricides visant à déloger le président lors d’élections primaires ne mènent généralement nulle part : par exemple, Pat Buchanan (1992), Ted Kennedy (1980) et Ronald Reagan (1976) n’ont pas réussi à gagner les nominations de leurs partis contre les présidents George Bush, Jimmy Carter et Gerald Ford. Leurs courses ont toutefois révélé au grand jour les fractures qui existaient alors au sein des partis au pouvoir. Bush, Carter et Ford ont d’ailleurs été incapables de remporter leur réélection par la suite. Est-ce le sort qui attend Trump ?
Les rumeurs entourant de possibles candidatures du gouverneur John Kasich (Ohio) ou des sénateurs Ben Sasse (Nebraska), Corker et Flake aux primaires républicaines de 2020 permettent d’évoquer ce scénario. Ce n’est toutefois pas la première fois que l’on prédit la déroute de Trump, qui a jusqu’ici déjoué bien des pronostics.
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