Armes à feu: quand la NRA a du plomb dans l’aile
Après avoir défendu l’accès aux armes à feu avec une redoutable efficacité sous l’administration Trump, la National Rifle Association (NRA) est aujourd’hui dans la tourmente. La lutte pour un meilleur contrôle des armes réussira-t-elle à prendre le dessus ?
Près d’une semaine s’est écoulée depuis les deux tueries successives qui ont fait 31 morts au Texas et en Ohio – 35 si l’on inclut la tuerie de Gilroy, en Californie, survenue plus tôt la même semaine.
Et pourtant, on n’a toujours pas entendu d’engagement ferme à resserrer l’accès aux armes à feu.
Oui, il y a eu quelques signes encourageants. « Républicains et démocrates doivent unir leurs forces pour obtenir de solides vérifications d’antécédents », a écrit Donald Trump sur Twitter lundi. Cet appel n’a cependant pas été réitéré dans son discours prononcé quelques heures plus tard, une omission remarquée. Le président a bien remis ça avant d’aller rencontrer des victimes de Dayton et d’El Paso mercredi, disant aux journalistes qu’il existait un « grand appétit pour des vérifications d’antécédents ». Mais le but semblait surtout de fermer la porte à l’interdiction des armes d’assaut, pour laquelle il ne voit « pas d’appétit politique ».
De l’appétit pour un meilleur contrôle des armes, les Américains en ont pourtant exprimé dans de nombreux sondages, et pas plus tard que cette semaine.
Moins du quart des électeurs (23 %) est contre l’interdiction des armes d’assaut, montre un sondage effectué de lundi à mercredi pour le site d’information Politico. Une majorité de républicains (55 %) se disent même favorables à une telle mesure, estime la firme Morning Consult.
On n’en est pas là. L’appui de Donald Trump à la vérification des antécédents, lundi, lui a valu un appel du grand patron de la NRA, Wayne LaPierre, rapporte le Washington Post.
Le puissant groupe de pression ne lâche pas la bride. Mais depuis quelques mois, il doit aussi courir en tous sens pour éteindre des feux.
Son président, Oliver North, son principal lobbyiste, Chris Cox, et des membres du conseil d’administration, tous critiques de la gestion de Wayne LaPierre, ont été forcés de partir.
Et cette semaine, un gros donateur a intenté un recours collectif contre l’organisation, l’accusant de dilapider les fonds et de ne pas respecter son mandat. Il a aussi écrit aux procureurs généraux de l’État de New York et de Washington, D.C., pour les presser de terminer leurs enquêtes bien avant la présidentielle de 2020. Les deux administrations ont en effet commencé à poser des questions sur l’exemption de taxes et le statut d’organisme sans but lucratif dont jouit le redoutable lobby.
La NRA peut néanmoins s’enorgueillir de son bilan, puisque très peu de mesures restreignant l’accès aux armes à feu ont été adoptées sous l’administration Trump.
Mais cette redoutable efficacité menace aujourd’hui de se retourner contre ses principaux alliés, les élus républicains. « Ils s’en vont vers l’extinction dans les banlieues s’ils ne se distancent pas de la NRA », a prédit un gros donateur en entrevue à l’agence Bloomberg cette semaine. Le parti devrait se rapprocher des préoccupations de la population et endosser des mesures comme la vérification universelle des antécédents et l’interdiction des armes d’assaut, dit-il.
De fait, 9 électeurs sur 10, tous partis confondus, veulent une vérification des antécédents pour tous les achats d’armes, montre le sondage Politico/Morning Consult. Ce n’est pas gagné pour autant.
Le président Trump s’était montré ouvert à une telle mesure dans les semaines qui ont suivi le traumatisme de Parkland, sans résultat.
Si la tuerie la plus meurtrière jamais perpétrée dans une école secondaire n’a pas suffi, ce n’est pas un autre drame qui fera pencher la balance, mais la population.
La NRA a réussi à faire du droit aux armes un enjeu prioritaire. Mais un meilleur contrôle de l’accès, pour éviter qu’elles ne tombent aussi facilement entre des mains meurtrières ? Si les Américains en faisaient un véritable enjeu électoral, avec lequel les candidats et les partis sentaient qu’ils pouvaient gagner des votes (et non pas seulement en perdre…), alors, peut-être, les choses auraient-elles enfin une chance de changer.
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