Guerre Boeing-Airbus : éviter l’escalade des sanctions commerciales
Editorial. En appliquant les sanctions autorisées par l’Organisation mondiale du commerce, Donald Trump prend le risque d’ouvrir un nouveau front avec les Européens et de provoquer une surenchère de rétorsions dommageables pour la croissance du commerce international.
Donald Trump a une conception sélective du multilatéralisme. Depuis son élection, le président des Etats-Unis n’a eu de cesse de conspuer le fonctionnement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour mieux remettre en cause les règles du libre-échange. Mais cela ne l’empêche pas aujourd’hui de s’appuyer sur l’institution lorsqu’elle tranche un contentieux en faveur de Washington.
L’OMC vient en effet de donner son feu vert à des sanctions américaines contre l’Union européenne (UE) après avoir jugé qu’Airbus avait bien bénéficié d’aides publiques illégales, créant ainsi un préjudice envers son concurrent Boeing. Pour l’administration Trump, qui considère qu’en matière de commerce les Européens sont « pires que la Chine, simplement ils sont plus petits », l’occasion est trop belle pour affirmer son credo, « America first », à un an de l’élection présidentielle. Les Etats-Unis se disent prêts, à partir du 18 octobre, à relever les droits de douane sur 150 biens importés de l’UE, pour un montant total de 7,5 milliards de dollars par an. Les avions civils sont visés, mais aussi de nombreux produits agricoles et industriels.
Contrairement à la guerre commerciale que Donald Trump a déclarée à la Chine, ces mesures de rétorsion s’appliquent dans le cadre réglementaire international. Dans ce contentieux, débuté il y a tout juste quinze ans, les Européens ont certes commis des erreurs, et la décision de l’OMC est logique. Toutefois, il est rare que les sanctions soient appliquées, les décisions de l’organisation servent plutôt à inciter les pays à trouver des compromis, afin de ne pas entrer dans une escalade de rétorsions qui seraient dommageables pour la croissance du commerce international.
Le risque de faire le jeu de la Chine
En refusant, à ce stade, toute négociation sur le sujet et en appliquant les sanctions autorisées par l’OMC, Donald Trump prend le risque d’ouvrir un nouveau front avec les Européens. « C’est une grande victoire pour les Etats-Unis », fanfaronne-t-il. Celle-ci s’annonce de courte durée. Car Boeing est également accusé d’avoir eu recours à des aides publiques. Le cas doit être définitivement tranché d’ici neuf mois, cette fois très probablement en faveur des Européens, qui, à leur tour, seront légitimes à imposer des droits de douane sur des produits américains.
Le contentieux est d’autant plus contre-productif qu’il risque de faire le jeu de la Chine, qui rêve de devenir une puissance aéronautique. Son premier appareil moyen-courrier, le C919, n’attend plus que son homologation pour commencer à tailler des croupières au duopole Airbus-Boeing. Nul besoin de préciser que Pékin ne s’est pas embarrassé des règles de l’OMC pour largement financer son programme aéronautique sur fonds publics.
Au lieu de se déchirer à propos d’une brouille qui ne mène nulle part, les Européens et les Etats-Unis feraient mieux d’unir leurs efforts pour faire face à la menace chinoise. Il s’agit d’abord de redéfinir le rôle des aides d’Etat dans un secteur qui, au regard des montants colossaux des investissements, semblent difficilement évitables. Les nouvelles règles pourraient s’appliquer ensuite à tous les acteurs, y compris la Chine, dans le cadre de l’OMC.
En mars 2018, Donald Trump se vantait que « les guerres commerciales étaient faciles à gagner ». Dix-huit mois plus tard, le seul résultat tangible est un dérèglement profond des échanges internationaux, qui sape la croissance mondiale. Franchir un nouveau cap dans les tensions pourrait finir par la déstabiliser pour de bon.
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