Disney+, le challenger qui rêve de mettre au tapis Netflix
Disney a annoncé que sa future plate-forme de streaming, qui devrait être disponible au printemps 2020 en France, après son lancement le 12 novembre aux Etats-Unis, diffusera ses nouvelles séries au rythme d’un épisode par semaine. Une stratégie à l’opposé de celle de Netflix, qui devrait lui permettre de garder ses abonnés plus longtemps.
Un nouveau challenger est attendu sur le ring de la SVOD : Disney+. A partir du 12 novembre aux Etats-Unis, le service de streaming du géant du divertissement débarque pour défier Netflix. Il s’attaque à un titan qui s’est imposé depuis quelques années comme le modèle du marché. Comptant plus de 150 millions d’abonnés dans le monde en 2019, la plate-forme au « N » rouge a bouleversé notre façon de regarder les séries télé.
Pour 13 dollars par mois (forfait standard), Netflix donne accès à des centaines de films, documentaires et séries originales, sans qu’il y ait besoin d’attendre une semaine la sortie du prochain épisode de « Stranger Things », une de ses séries à succès. Cette possibilité de « binge-watcher » – se gaver de trois saisons en un week-end, à condition de ne pas bouger de son canapé – a été popularisée par Netflix. D’après un sondage de Médiamétrie, au moins six jeunes sur dix se livrent régulièrement au « visionnage boulimique », comme on l’appelle en bon français.
Mais face à Netflix, Disney prépare ses coups. Et, étonnamment, il ne compte pas reprendre l’arme fatale de Netflix sur sa plate-forme, qui doit faire une entrée fracassante dans le monde du streaming . Le géant aux grandes oreilles a annoncé qu’il diffusera ses nouvelles séries au rythme d’un épisode par semaine. Les fans de « Star Wars » vivront donc les mêmes tourments que les fans de « Dallas » à leur époque, en patientant durant sept jours avant chaque nouvel épisode.
Une base d’abonnés stable
Ce retour à l’ancienne formule risque de faire rager plus d’un téléspectateur. Et pourtant, il s’agit probablement de la tactique la plus prometteuse de Disney pour s’imposer sur le marché très concurrentiel de la vidéo à la demande. « En faisant cela, on verrouille l’abonné, explique Gilles Pezet, responsable du pôle économie des réseaux et usages numériques chez NPA Conseil. Pour une série en dix épisodes, on est assuré de garder l’abonné au moins trois mois. »
Alors que la croissance du nombre d’abonnés de Netflix dépend fortement de son calendrier de diffusion, la programmation d’épisodes sur plusieurs mois peut aider à créer une base d’abonnés plus stable. Disney devrait profiter de son portefeuille prometteur de séries pour diffuser chaque nouvelle production juste avant la fin de la diffusion de la précédente et ainsi s’assurer de garder l’attention de ses abonnés.
« L’objectif de Disney d’atteindre les 10 millions d’abonnés dès la fin de la première année ne devrait pas être difficile à réaliser. Mais les garder en permanence pourrait être plus compliqué », prédit Gilles Pezet.
Le géant américain doit s’appuyer sur sa plus grande force : ses franchises. Les dessins animés signés Walt Disney bien sûr, mais aussi Pixar, « Star Wars », « Les Simpsons » et la machine à cash « Marvel ». Disney ne prévoyant pas de dépenser autant que Netflix dans la production de contenus originaux, il est donc essentiel pour lui de faire en sorte que ses abonnés reviennent tout de même régulièrement feuilleter son catalogue.
Un « anti-Netlix »
Mais la motivation de Disney+ n’est pas uniquement financière. « Mettre fin au ‘binge-watching’ correspond à son positionnement stratégique de se présenter comme un ‘anti-Netflix’ », souligne l’analyste.
Le président de la division streaming de Disney a ainsi clairement annoncé que leur service privilégierait la qualité sur la quantité, en misant sur des marques fortes. Proposer un seul épisode par semaine va dans le sens de cette image premium face à la consommation « fast-food » proposée par Netflix.
Mieux, cette technique permet de « maintenir la discussion » autour d’une série. Le succès de « Game of Thrones », qui a tenu en haleine des millions de téléspectateurs ces huit dernières années, en alimentant les théories les plus folles des fans avant chaque sortie hebdomadaire d’épisode, a sans doute inspiré Disney. « Même si une série est de qualité, si on sort tous les épisodes d’un coup, on n’a pas le temps de capitaliser sur ce succès », note Gilles Pezet.
Sur Netflix, la durée de buzz d’une série n’excède pas quelques jours. Cet été, la nouvelle saison de « Stranger Things » n’a pas eu le temps de faire parler d’elle qu’elle était déjà enterrée par la sortie de « La Casa de Papel », elle-même éclipsée quelques jours plus tard par « Mindhunter »…
Politique anti-spoil
Disney pourrait marquer des points sur un autre aspect, pouvant paraître plus anecdotique, mais qui fait pourtant « beaucoup parler sur les forums aux Etats-Unis », d’après Gilles Pezet : le « spoil ». En contrôlant le rythme de diffusion des épisodes, Disney s’assure que personne ne « divulgâche » la fin de ses séries, comme le disent si bien les Québécois.
Disney serait-il en train de signer la fin de l’ère du binge-watching ? L’entreprise de Bob Iger n’est pas la seule à avoir adopté ce modèle. Hulu fonctionne déjà de cette façon, et Apple a également annoncé une diffusion hebdomadaire de ses contenus. A l’heure où Netflix est devenu le royaume de la surconsommation de contenus, Disney fait le pari de la « slow video ». Et ça pourrait bien marcher.
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