Editorial. Comme Donald Trump, Joe Biden encourage à acheter davantage américain. Plutôt que de poursuivre sur cette politique protectionniste au bilan mitigé, les Etats-Unis gagneraient à militer en faveur de règles de réciprocité.
« Editorial du Monde. » Ceux qui s’attendaient à ce que Joe Biden prenne le contre-pied de Donald Trump sur le plan économique en sont pour leurs frais. Loin de rompre avec le protectionnisme de son prédécesseur, le nouveau président des Etats-Unis envisage au contraire de le renforcer, au risque de fragiliser le multilatéralisme et la relation transatlantique, sans que les salariés américains en tirent pour autant un quelconque bénéfice.
Le 25 janvier, cinq jours après son intronisation, Joe Biden a signé un décret présidentiel pour contraindre l’administration à davantage acheter américain. Désormais, pour qu’un produit soit considéré comme « made in USA », ses composants devront provenir à plus de 50 % d’entreprises américaines. Par ailleurs, une entreprise américaine pourra être choisie lors d’un appel d’offres, même si elle est 20 % plus chère qu’un concurrent étranger.
Les marchés publics représentent aujourd’hui un budget de plus de 600 milliards de dollars, auxquels devrait s’ajouter dans les prochains mois un plan d’investissement dans les infrastructures de 2 000 milliards de dollars. Le nouveau président souhaite que ces dépenses profitent en priorité aux entreprises et aux emplois américains.
Un coût exorbitant
Quoi de plus logique sur le plan politique ? Donald Trump a été élu en 2016 sur le thème de la protection des perdants de la mondialisation, à commencer par l’électorat ouvrier blanc des états industriels du Midwest. Depuis, le Parti démocrate tente de récupérer ces électeurs en adoptant lui aussi des accents protectionnistes. Mais ce n’est pas en prolongeant la politique menée sous Donald Trump que Joe Biden parviendra à faire revenir les usines et les emplois sur le sol américain.
Sur ce plan, le bilan de son prédécesseur laisse à désirer. Si l’on doit reconnaître à Donald Trump le mérite d’avoir éveillé les consciences sur le non-respect des règles du commerce international par la Chine, les mesures protectionnistes qu’il a prises ont produit l’effet inverse de celui escompté.
D’abord, le « Buy American » a eu un coût exorbitant pour le contribuable américain en renchérissant considérablement les achats publics, comme le démontre une récente étude du Peterson Institute for International Economics. Chaque emploi préservé grâce à ces mesures protectionnistes a coûté un quart de million de dollars. Cet argent public aurait sans doute été mieux dépensé dans des actions de formation et de réorientation professionnelles.
Ensuite, les taxes sur les importations ont entraîné un surcoût pour le consommateur américain, sans effet spectaculaire sur les relocalisations. Au cours des quatre dernières années, le déficit commercial des Etats-Unis n’a cessé de se creuser, pour atteindre un niveau historique.
En imitant Donald Trump, Joe Biden a toutes les chances d’aboutir au même résultat. Si l’ambition de protéger les emplois américains est légitime, celle-ci doit passer par le retour des Etats-Unis dans le multilatéralisme commercial dont la précédente administration s’était auto-exclue. Plutôt que de s’orienter vers un protectionnisme mal dégrossi, les Etats-Unis gagneraient à militer en faveur de règles de réciprocité qui leur faciliteraient l’accès à de nouveaux marchés à l’étranger.
Le message de Joe Biden risque d’être inefficace pour les salariés américains et contre-productif pour la relation transatlantique, au moment où les Etats-Unis et l’Union européenne auraient besoin de faire front commun face à la Chine pour la contraindre à respecter enfin les règles du commerce international.
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