En redéfinissant les standards de l’innovation, les GAFA sont devenus les symboles de la performativité, de la conquête et du succès en une petite dizaine d’années. La disruption de l’assurance sera-t-elle le prochain terrain de jeu des GAFA ?
À la fin des années 70, Roger Giquel, animateur du JT de TF1 prononçait son célèbre : « la France a peur ». Près de cinquante ans plus tard, les assureurs français semblent prendre ces paroles à leur compte. L’objet de leur crainte : les GAFA. D’ailleurs ils ne s’en cachent pas. L’an dernier, par exemple, en marge d’une conférence, Jacques de Peretti PDG d’AXA se demandait publiquement si « l’industrie a bien été préparée à la vague d’arrivée des GAFA ».
Évidemment, cette peur ne vient pas de nulle part. Ces dernières années, les GAFA ont multiplié les offensives : alliance Amazon-Aviva ; partenariat Google-Swiss Re ; collaboration Apple-Aetna sans oublier Tesla qui communique (largement) sur le lancement de sa propre assurance automobile. Des initiatives qui s’inscrivent elles-mêmes dans un historique riche en succès. Car en redéfinissant les standards de l’innovation, les GAFA sont devenus les symboles de la performativité, de la conquête et du succès en une petite dizaine d’années.
Mais en dépit de leur bilan flatteur, les craindre est une erreur. Pour le moment, ces derniers butent sur deux obstacles majeurs. Une addition de réglementation européenne et française qui tente de protéger les assureurs. Et le manque de confiance parfaitement résumée par une étude menée par le réseau social Blind auprès de 5 000 salariés des GAFA. Celle-ci indiquait que 62% des répondants ne faisaient pas confiance aux acteurs de la Tech pour gérer leurs données financières…
Démystifier les GAFA est une chose. Considérer pour autant qu’il n’y a pas de menace en est une autre. D’ailleurs celle-ci porte un nom depuis la fin des années des 90 : l’économie de l’expérience. Selon ses théoriciens, deux économistes américains, l’enjeu de toutes entreprises n’est plus seulement de « proposer des produits ou des services aux clients, mais plutôt des expériences permettant de distinguer une marque de ses concurrents et de créer ainsi un engagement plus fort ». Autrement dit, il s’agit de « laisser une trace dans la tête du client ». Une trace dont la potentialité a été décuplée par l’expérience client digitale.
Pendant toutes ces années, ce primat de l’expérience a été négligé par des assureurs qui avaient une vision restrictive – vendre des assurances tout simplement – à rebours de l’évolution du consommateur. Comme si l’assuré vivait dans une dimension parallèle où l’expérience n’importe pas.
Bien que les GAFA aient été les premiers à percevoir le potentiel de la data et de la transformation du secteur, ce sont les néo-assureurs qui ont été en mesure de l’exploiter en imposant un triptyque inédit au sein de l’industrie : personnalisation, transparence et simplicité. « Digital natives », ils ne font pas les frais d’un fonctionnement en silo de leur activité et d’un système d’information sclérosé. A telle enseigne qu’en moins de cinq ans, ils ont importé la culture de l’expérience au sein d’un secteur tancé, à juste titre, pour sa « distance client ».
Ontologiquement pensés pour adapter l’offre assurantielle aux évolutions comportementales, les neo-assurances ont repris les fondamentaux technologiques des leaders de la Tech pour établir une « stratégie de la continuité ». Soit maintenir le standard serviciel auquel les assurés sont habitués dans leur interaction quotidienne avec les GAFA : désintermédiation et digitalisation des services.
Pour le moment, les assureurs et mutuelles résistent par un parc d’assurés prédominant. Une étude publiée par le cabinet Deloitte en début d’année rappelait ce fait. Selon l’enquête, les néo-assurances et autres assurtech pâtissent encore d’un déficit de notoriété (seuls 4% des sondés pouvaient spontanément citer le nom d’un pure player).
Toutefois, pour maintenir leur statut les acteurs classiques ne doivent surtout pas se tromper de priorité. L’heure n’est pas à investir à corps perdu dans des projets d’innovation ou autres data lab. La priorité est à un changement de culture. À la remise en question de la planification méticuleuse qui stérilise l’action au profit de l’expérimentation agile permanente au service du client digitalisé. C’est à cette condition qu’ils atténueront la réduction de leurs positions.
D’autant plus que tout en souffrant encore d’un manque de notoriété les néo-assureurs jouissent d’un crédit certain au sein de l’écosystème. Rappelons qu’au quatrième semestre de 2019, ils ont levé un total de 2 milliards de dollars…
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