In the United States, after a Year of COVID-19, Homicide Rate Soars

<--

Aux États-Unis, après un an de Covid, le taux d’homicide explose

Pandémie

Par Claire Levenson

Publié le 31/03/2021 à 12:35

En 2020, 20 000 personnes sont mortes par armes à feu aux États-Unis, soit 50 % de plus qu’en 2019. Une hausse en partie liée à la déstabilisation sociale causée par l’épidémie de Covid-19. Contrairement aux fusillades de masse, ces meurtres concentrés dans les quartiers noirs et latinos du pays, ne font pas la une des médias, mais condamnent les habitants à une insécurité chronique.

Quand on entend parler de violence aux États-Unis, il s’agit en général de fusillades de masse, comme celles qui ont récemment fait 18 morts à Atlanta et à Boulder, ou de violences policières. Ces tragédies mènent à des propositions de loi, des discours politiques, des mobilisations nationales. Mais une autre forme de violence quotidienne, concentrée dans certains quartiers pauvres du pays, tue presque dans l’indifférence. Ainsi, en 2020, près de 20 000 personnes ont été assassinées par balles aux États-Unis, sans compter les suicides, le chiffre le plus élevé en vingt ans.

« Les fusillades de masse attirent plus d’attention médiatique, elles sont plus choquantes et sensationnelles. Mais il y a un problème de violence par arme à feu chronique dont on parle moins et qui touche les quartiers afro-américains de façon disproportionnée » explique Ronnie Dunn, sociologue à Cleveland State University.

EXPLOSION DES VENTES D’ARMES

Il faut dire que les raisons de la forte augmentation des homicides cette année – en hausse d’environ 50 % à Chicago, 30 % à Los Angeles et 45 % à New York par rapport à 2019 – sont sinon opaques en tout cas complexes. À cause des mesures de confinement, certaines institutions publiques, comme les écoles (dont certaines n’ont toujours pas rouvert à plein temps), les piscines et les bibliothèques ont dû fermer, ce qui a entraîné un vide dangereux dans certains quartiers. À cela se sont ajoutés le chômage et les tensions avec la police après le décès de George Floyd.

Le sociologue Ronnie Dunn évoque également l’explosion des ventes d’armes, qui ont atteint un niveau record en 2020 : 3 millions d’armes supplémentaires ont été vendues au printemps 2020 par rapport au printemps 2019, une hausse liée au sentiment d’anxiété qu’ont entraîné à la fois la pandémie mais aussi les émeutes de cet été. « En 2020, nous avons vu une augmentation des facteurs de risques, comme l’instabilité économique, l’instabilité de logement. Or il y a un lien entre ces circonstances et le désespoir qui mène à la violence par arme à feu » explique Greg Jackson, directeur national du Community Justice Action Fund.

DANS LE BRONX, UN BÉBÉ TUÉ D’UNE BALLE PERDUE

Son association se mobilise pour que le débat politique sur les fusillades de masse prenne en compte les victimes vivant dans les quartiers afro-américains et latinos, où la violence est plus diffuse, souvent liée à des règlements de compte, des gangs et du trafic de drogue. Il explique que l’urgence politique décrétée après certaines fusillades de masse ne l’est pas lorsque des jeunes noirs meurent dans des quartiers pauvres.

Pourtant, ces tragédies sont extrêmement courantes (les homicides par balle sont la principale cause de décès des jeunes hommes afro-américains) et ce ne sont pas toujours les cibles des règlements de compte qui sont touchées. À New York, dans plusieurs quartiers de Brooklyn et du Bronx ces derniers mois, un bébé est mort après avoir été atteint par une balle perdue lors d’un barbecue ; un joueur de basket de 17 ans a été tué par accident lors d’une fête en plein air et un père de 27 ans a été tué alors qu’il traversait la rue avec sa fille. Ces histoires sont tristement ordinaires et souvent résumées à quelques paragraphes dans la presse locale. Très souvent, les coupables ne sont jamais arrêtés, une impunité qui renforce le cycle de la violence. « Sur les chaînes télé locales des grandes villes, il y a quotidiennement des segments sur ce genre de violence. Les gens s’habituent, ils deviennent désensibilisés aux décès dans ces quartiers » résume Ronnie Dunn.

LES ÉTATS DU SUD RÉSERVOIR NATIONAL D’ARMES

Afin de donner plus de visibilité aux violences urbaines, Alicka Ampry-Samuel, une élue municipale d’un district du centre de Brooklyn à New York, tente de relier la violence chronique qui touche son quartier aux fusillades de masse qui font la une. « Quand on voit des mères qui demandent des lois pour restreindre l’accès aux armes à feu, des mères dont les enfants sont morts dans des fusillades à l’école, elles ont la même expérience que celles dont les enfants ont été tués dans la rue à cause des gangs », explique-t-elle. Ainsi Alicka Ampry-Samuel milite-t-elle pour obtenir des réformes nationales sur un sujet qui aurait sans doute un impact décisif au niveau local. En effet, les armes qui circulent à New York viennent pour la plupart des États du Sud, où l’accès aux armes à feu est beaucoup moins encadré.

Depuis une quinzaine d’années, de nombreuses associations d’« interruption de la violence » ont été créées aux États-Unis dans le but d’aborder cette réalité comme une question de santé publique, par exemple en envoyant des intervenants dans les hôpitaux pour qu’ils parlent aux amis et proches des victimes afin de les convaincre de ne pas préparer de représailles. « La plupart des gens qui deviennent auteurs de violence par armes à feu ont eux-mêmes été victimes avant cela. Si rien n’est fait pour gérer ce traumatisme, cela augmente le risque d’une poursuite du cycle » conclut Greg Jackson de l’association Community Justice Action Fund

Une question dont le politique a bien du mal à s’emparer. Le débat est souvent empoisonné par les divisions : quand la gauche parle des victimes noires des violences policières, la droite rétorque souvent que ce problème est exagéré par rapport à la question de la criminalité dans les quartiers noirs. Une dynamique contradictoire qui complique la conversation sur le sujet. Et fait perdre du temps et des vies…

About this publication