Nixon envierait Trump
Il y a 50 ans ce mois-ci éclatait le scandale du Watergate. Les comparaisons avec la commission d’enquête sur l’insurrection au Capitole ne peuvent que semer l’inquiétude.
Le 17 juin dernier marquait le 50e anniversaire du cambriolage du Watergate, scandale qui allait provoquer d’autres scandales jusqu’à la seule et unique démission d’un président américain de l’histoire — celle de Richard Nixon. Lors de la première ronde d’audiences publiques sur l’insurrection au Capitole le 6 janvier 2021, plusieurs comparaisons ont été faites entre cet événement et l’affaire du Watergate. Un seul constat : les choses ont changé depuis… mais pour le pire.
Jadis…
Il y a 50 ans, le président républicain et les membres de sa garde rapprochée avaient tenté de dissimuler leur rôle dans un vol au siège du Parti démocrate. C’était grave.
En moins d’un an, le taux d’approbation de Nixon avait chuté de plus de 40 points, passant de 68 % en janvier 1973 à 27 % en octobre 1973, selon Gallup.
Les élus républicains du Congrès, qui avaient a priori peu de liens profonds avec Nixon, l’ont presque entièrement largué, ce qui aurait assuré sa destitution s’il n’avait pas démissionné avant.
Et, n’eût été le pardon présidentiel accordé par son successeur, Gerald Ford (geste qui a contribué à la défaite électorale de ce dernier en 1976), Nixon se dirigeait vraisemblablement vers la prison. Ses plus proches conseillers, dont son chef de cabinet, H.R. Haldeman, y ont pour leur part été condamnés.
La vaste majorité des événements dont il a été question depuis le début des audiences publiques sur le 6 janvier 2021 étaient déjà connus. Or, on y a ajouté des couches encore plus troublantes. Et, surtout, on a tissé un portrait d’ensemble à la fois méticuleux, cohérent et, pour toute personne raisonnable chérissant la démocratie, profondément bouleversant.
L’aspect le plus frappant des multiples témoignages publics est sans doute la nature à la fois délibérée et préméditée des actes illégaux commis par Donald Trump et certains membres de sa garde rapprochée.
Les plus hauts responsables du département de la Justice — y compris le procureur général William Barr, que Trump avait personnellement nommé sur la base de sa loyauté — ont assuré au président qu’il n’y avait aucune preuve soutenant les allégations de « fraude massive ». La réponse de Rudy Giuliani, consigliere du président : « On a plein de théories, ce sont juste les preuves qui nous manquent. »
Encore et encore, l’équipe juridique de la Maison-Blanche a souligné au président que ces « théories » ne tenaient pas la route. L’avocat de Trump Eric Herschmann a même témoigné avoir averti John Eastman, le rare juriste qui encourageait le président à continuer de contester les résultats électoraux, que la voie de la négation risquait de mener à des émeutes dans les rues. La réponse d’Eastman : « Il y a déjà eu de la violence dans l’histoire de notre pays. »
Des leaders législatifs harcelés sur leur téléphone personnel et à leur résidence privée par les acolytes du président ; des responsables électoraux menacés de mort ; des manifestants lourdement armés encerclant des édifices gouvernementaux. Toutes ces dynamiques, relatées par des témoins — qui avaient dans bien des cas appuyé la réélection de Donald Trump —, sont dignes d’une république de bananes. Et elles sont toutes survenues avant même l’insurrection du 6 janvier.
Le jour même de l’événement, à l’intérieur du Capitole, il n’y avait qu’une douzaine de mètres qui séparaient le vice-président des États-Unis de la foule composée de gens qui, selon un informateur du FBI cité lors des audiences, exprimait explicitement son projet de l’assassiner.
Un an et demi plus tard, dans son premier grand discours depuis le début de ces mêmes audiences, Donald Trump a renouvelé ses attaques contre son ex-vice-président pour son « manque de courage » en refusant de bloquer — illégalement — la certification des résultats électoraux.
Ainsi, après avoir orchestré non pas le vol de documents, mais bien celui d’une élection présidentielle, Trump ne fait toujours face à aucune accusation criminelle. Son parti demeure largement rangé derrière lui. Loin de chuter, son taux de popularité a en fait augmenté depuis l’assaut du Capitole. Et, contrairement à Richard Nixon en 1973, il est encore parfaitement en droit de briguer un autre mandat — et semble toujours déterminé à le faire.
Alors qu’environ un adulte américain sur deux avait regardé les audiences publiques sur le Watergate à la télévision, à peine 10 % regardent celles sur l’insurrection du 6 janvier.
Une électrice de la Virginie, Kimberly Berryman, était citée dans un récent reportage, disant envisager, après avoir voté pour les démocrates en 2020, d’appuyer le Parti républicain aux élections de novembre. La raison : la hausse des prix partout autour d’elle. Et les audiences sur l’assaut du Capitole ? « J’ai d’autres choses à faire », lançait-elle en riant. C’est, encore, l’économie avant la démocratie.
Berryman n’est pas seule. Interrogé cette semaine quant à savoir s’il voterait pour Donald Trump dans un nouvel affrontement hypothétique contre Joe Biden en 2024, Rusty Bowers, de l’Arizona, a dit oui.
Or, contrairement à Kimberly Berryman, Rusty Bowers n’est pas qu’un simple citoyen. Il est le président républicain de la Chambre des représentants de l’Arizona. Et il venait, dans les heures précédentes, de témoigner devant le comité d’enquête sur le 6 janvier des efforts de la part du président des États-Unis pour le pousser à infirmer les résultats électoraux dans son État.
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