Sommet du G20 en Indonésie : entre la Chine et les Etats-Unis, l’apaisement et ses limites
Si au G20 à Bali, Joe Biden et Xi Jinping ont réaffirmé chacun leurs positions en s’efforçant d’éviter toute rhétorique belliqueuse, les sujets de contentieux entre Washington et Pékin restent structurels, et leur rivalité va continuer de peser sur une bonne partie des relations internationales.
L’acrimonie ayant été le sentiment le mieux partagé lors de la première rencontre entre les conseillers de Joe Biden et ceux de Xi Jinping, en mars 2021, à Anchorage, en Alaska, les craintes étaient élevées à la veille du premier tête-à-tête entre les deux présidents américain et chinois, en Indonésie, en marge du sommet du G20.
Cette entrevue survenait, qui plus est, après un été de tensions exacerbées. Ces dernières avaient été alimentées par la visite spectaculaire à Taïwan de la speaker démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et par une batterie de représailles chinoises, à commencer par une suractivité militaire dans le détroit qui sépare du continent l’île dont Pékin ne cesse d’annoncer le retour imminent, par tous les moyens, sous son impitoyable férule.
A Bali, les deux dirigeants ont fait le choix d’une pause dans une escalade potentiellement dévastatrice. Chacun a réaffirmé ses positions, certes sans baisser la garde, mais en s’efforçant néanmoins d’éviter toute rhétorique inutilement belliqueuse. Autre illustration de ce souci d’apaisement : la première rencontre prévue depuis des années entre le président chinois et un premier ministre australien, en l’occurrence Anthony Albanese.
Ce résultat est en soi une bonne nouvelle. Les désordres internationaux, à commencer par celui alimenté par l’agression russe en Ukraine, sont assez alarmants pour qu’on souhaite éviter à tout prix que s’y ajoute une « guerre froide » entre les deux grandes puissances qui dominent le monde. L’urgence créée par une crise profonde, le dérèglement climatique, exige également comme quasi préalable la coopération des deux plus grands pollueurs de la planète.
L’obligation de se rassembler pour l’Europe
L’issue inattendue des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, dont M. Biden sort renforcé, a placé celui-ci dans une position plus solide que prévu. Pékin sait par ailleurs que le défi chinois constitue l’un des très rares points de convergence entre démocrates et républicains à Washington. Après un 20e congrès du Parti communiste chinois qui lui a été entièrement consacré, Xi Jinping était également en bonne posture. Ce double raffermissement a peut-être paradoxalement facilité la quête d’une grammaire commune, encore embryonnaire.
Une pause n’est cependant pas une détente. Car les sujets de contentieux entre les deux grandes puissances restent structurels et essentiels. Xi Jinping s’est bien gardé de s’écarter des éléments de langage chinois à propos de Taïwan ou du conflit ukrainien, première mise à l’épreuve de l’amitié « sans limite » conclue entre Pékin et Moscou à la veille de la guerre. Cette amitié ne cache pas qu’elle a pour cible un ensemble de règles en vigueur depuis des décennies et défendues par les Etats-Unis.
Ces derniers, de leur côté, ne sont prêts ni à céder du terrain dans la vaste région de l’Indo-Pacifique, ni à la désescalade dans la guerre commerciale avec Pékin lancée par Donald Trump. Ils viennent même de multiplier les barrières pour préserver une avance technologique, notamment dans le domaine des semi-conducteurs, dont le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, Jake Sullivan, a bien dit qu’elle ne constitue « ni un simple enjeu domestique ni un enjeu de sécurité nationale, mais bien les deux à la fois ».
La rivalité entre Washington et Pékin va donc continuer de peser sur une bonne partie des relations internationales. Les autres acteurs majeurs, à commencer par les Européens, ne peuvent qu’en prendre acte et conclure qu’ils défendront mieux leurs propres intérêts rassemblés qu’en ordre dispersé.
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