Le souhait de l’administration américaine de conclure les négociations pour l’installation en Europe d’un troisième site de la défense antimissile (avec l’Alaska et la Californie) avant la fin de la présidence de George Bush, semble de plus en plus incertain.
Alors que la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, a signé, mardi 8 juillet, à Prague, un accord de principe pour le stationnement d’une station radar à Brdy, au sud-ouest de la capitale tchèque, les négociations pour l’installation de dix missiles intercepteurs en Pologne, piétinent. Réagissant à la signature de cet accord, la Russie, qui est foncièrement opposée au projet de ” bouclier ” antimissile, a souligné mardi que si celui-ci est effectivement déployé, elle sera “forcée de réagir, non par des méthodes diplomatiques, mais par des méthodes militaro-techniques”. Cet accord n’est que la première étape d’un processus. Outre que, selon les sondages, 68 % des Tchèques sont opposés au projet de radar, l’accord doit passer l’épreuve du vote parlementaire, où la coalition au pouvoir ne dispose que de la moitié des 200 sièges de la chambre basse, ce qui n’est pas suffisant pour une ratification. Or l’opposition est massivement hostile au projet. Le gouvernement du premier ministre libéral (et pro-américain) Mirek Topolanek, qui devra conclure avec Washington un deuxième accord sur le statut des forces américaines stationnées sur le site, a décidé de n’affronter l’épreuve parlementaire qu’après les élections générales de 2010.
DIX INTERCEPTEURS AMÉRICAINS PROTÉGERONT LA POLOGNE
En Pologne, les autorités jouent également la montre, escomptant une lassitude de la population polonaise, où les opposants -encore majoritaires-, faiblissent. Le gouvernement du premier ministre Donald Tusk fait valoir que le fait d’accueillir un site de la défense antimissile américaine accroît le risque de faire de la Pologne une cible pour des attaques de missiles émanant d’Etats, tel l’Iran, contre lesquels le ” bouclier ” américain est conçu. Ils ajoutent que les dix intercepteurs américains protégeront la Pologne contre les seuls missiles balistiques à longue portée, et exigent des Etats-Unis qu’ils installent dans leur pays des batteries de missiles à portée courte et intermédiaire Patriot PAC-3, ceux-là mêmes que les trois pays, qui ne seront pas couverts par le ” bouclier ” américain (Bulgarie, Grèce, Turquie), exigent des Etats-Unis.
Les négociations, qui se prolongent depuis 18 mois, ont semblé rompues à pluseiurs reprises, mais les deux parties ont toujours indiqué que des discussions se poursuivaient. Le jeu de la diplomatie polonaise, qui consiste à faire traîner les choses en longueur avec l’espoir d’obtenir davantage de concessions du successeur de George Bush (le ” bouclier ” ne sera pas opérationnel avant 2012), n’est pas sans risque. Soulignant que leur patience a des limites, les Américains ont fait savoir qu’ils ont entamé des discussions avec la Lituanie, au cas où la négociation avec Varsovie achopperait définitivement. Les atermoiements des Polonais sont aussi liés à l’évolution de leur relation avec les Américains. Bien que fervents atlantistes, ils gardent un mauvais souvenir de l’accord de décembre 2002 portant sur l’achat de 48 chasseurs F-16 américains, estimant que les Etats-Unis n’ont pas tenu leurs promesses s’agissant des retombées de ce marché pour l’industrie polonaise.
A l’époque, plusieurs pays européens avaient critiqué la décision polonaise, l’estimant peu favorable à la constitution d’une base industrielle pour l’Europe de la défense. Varsovie a également éprouvé une déception lorsque son choix d’envoyer des troupes en Irak n’a pas été récompensé en termes de contrats pétroliers. Peu à peu, le gouvernement polonais a réalisé que ses relations stratégiques devaient aussi s’appuyer sur un pilier européen. C’est ce qui explique sa décision d’envoyer un contingent de 400 soldats dans le cadre de l’opération européenne UEFOR au Tchad. En Pologne comme en République tchèque, l’opinion publique et les partis politiques sont ambivalents à l’égard du projet de ” bouclier ” américain : celui-ci, en renforçant leur partenariat stratégique avec les Etats-Unis, représente à la fois un élément de sécurité vis-à-vis de Moscou, mais également d’insécurité, dans la mesure où leurs relations bilatérales avec la Russie ne peuvent que se détériorer.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.