Avant Obama, jamais, dans l’histoire électorale américaine, un candidat à l’élection présidentielle n’avait réalisé de tournée internationale aussi ambitieuse. Afghanistan, Irak, Jordanie, Israël, Territoires palestiniens, Allemagne, France, Angleterre : en une semaine, le sénateur de l’Illinois a réussi, sans commettre la moindre faute, à aborder les trois dossiers géopolitiques majeurs pour tout prétendant à la magistrature suprême aux États-Unis. À chaque fois, Barack Obama a su présenter une ligne stratégique claire.
Sur les deux principaux théâtres d’opérations des forces américaines, le candidat démocrate a préconisé un retrait en seize mois d’Irak, couplé avec un renforcement des troupes en Afghanistan, une guerre qu’il s’est engagé à «gagner». Sur le conflit du Proche-Orient, que l’Administration Bush a laissé s’envenimer avant de s’y intéresser tardivement avec la conférence d’Annapolis, Obama a promis qu’il travaillerait, dès sa prise de fonctions, à un règlement de paix sur la base de deux États vivant côte à côte sur le territoire de la Palestine mandataire.
En même temps, il a rassuré Israël par rapport à la menace iranienne, en s’engageant à tout faire pour empêcher le régime de Téhéran de se doter de la bombe atomique. Habilement, il a soutenu l’initiative récente du président Bush d’envoyer un diplomate de haut rang parler aux Iraniens, un dialogue direct qu’il avait lui-même préconisé il y a six mois. En Europe, le sénateur de l’Illinois a aussi envoyé un message stratégique très clair : le temps de l’unilatéralisme cher aux néoconservateurs est révolu ; l’Amérique se doit de travailler main dans la main avec ses plus vieux alliés sur toutes les grandes questions internationales.
À Londres, Barack Obama a confié à des reporters qu’il n’escomptait pas avoir progressé à court terme dans les sondages grâce à ce voyage, car «les gens chez nous sont avant tout préoccupés par le prix de l’essence et par les risques que fait courir la crise économique à leurs emplois». Mais il a ajouté que l’intérêt de ce voyage avait été de «montrer aux électeurs que j’étais capable d’être efficace sur le plan international, quelque chose qu’ils auront en tête lorsqu’ils se rendront aux urnes».
Intelligente modestie des propos du candidat démocrate. Mais la réalité est que le succès de ce voyage a déjà porté électoralement ses fruits pour Obama, de l’aveu même de nombreux observateurs républicains. «Soyons honnêtes, McCain a perdu cette semaine à plate couture, a déclaré John Weaver, qui était encore récemment le premier conseiller en stratégie politique du candidat républicain. Étant donné son caractère, son histoire personnelle, la capacité qu’il a montrée par le passé pour rebondir électoralement, McCain est encore dans la course. Mais il ne peut pas se permettre une autre semaine comme celle-ci.»
La réalité est que les Américains sont beaucoup moins casaniers qu’on le croit souvent en Europe. Ils ne sont pas du tout indifférents aux sondages qui montrent que leur popularité est au plus bas sur la planète, et ils font ouvertement à George Bush le reproche de les «avoir brouillés avec le monde entier». Grâce à sa tournée, Obama a non seulement désamorcé la critique républicaine sur son «manque d’expérience internationale», mais il a aussi montré aux électeurs américains qu’il était capable de réconcilier leur nation avec le reste du monde.
Aujourd’hui, Obama s’attaquera au problème de la crise financière. Pour élaborer des solutions, il a décidé de réunir autour de lui, pour une session de travail, trois experts très respectés du public américain : Paul Volcker, l’ancien patron de la Réserve fédérale (la banque centrale) ; Robert Rubin, l’ancien secrétaire au Trésor de Clinton ; Warren Buffett, le gourou des investisseurs des deux dernières décennies, qui a fait don de son immense fortune à des organisations caritatives. Toujours la même méthode : consulter avant de proposer. L’impact électoral de la tournée d’Obama a aussi tenu au fait qu’elle arrivait au bon moment : ni trop tôt, ni trop tard. Il reste en effet quatorze semaines au candidat démocrate pour se concentrer sur les sujets intérieurs.
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