Les 200 000 Allemands qui ont applaudi Barack Obama, le mois dernier à Berlin, étaient un petit échantillon de ces Européens qui, dans leur immense majorité, soutiennent le candidat démocrate à la Maison Blanche. S’ils votaient le 4 novembre, le résultat ne ferait aucun doute. N’y a-t-il pas toutefois une part d’illusion dans cet engouement qui semble reposer sur un double malentendu ? Le premier malentendu, c’est que la personnalité de George W. Bush a été un élément déterminant de la politique étrangère américaine au cours des huit dernières années et que par conséquent son départ entraînera un changement positif. Le second, c’est que le prochain président, surtout s’il s’appelle Barack Obama, sera plus attentif aux conseils, voire aux demandes des Européens.
Certes le candidat démocrate a un discours plus doux aux oreilles européennes que la rhétorique entendue récemment à Washington. Chaque fois que l’occasion lui en est donnée, il insiste sur la nécessaire concertation entre alliés, sur les nouveaux ponts qu’il faut jeter entre les deux rives de l’Atlantique, sur la communauté de valeurs entre les Etats-Unis et l’Europe. Mais en pratique ?
Les Européens rêvent d’une Amérique plus encline à respecter les règles d’un multilatéralisme qui reste d’ailleurs à définir. Une Amérique plus disposée à jouer le jeu des organisations internationales, que ce soit l’ONU ou l’OTAN. Une Amérique prête à se rallier aux accords sur le changement climatique ou la justice internationale. Ils comptent sur la relève à la Maison Blanche pour que les Etats-Unis deviennent, en ce sens au moins, plus “européens”.
C’est oublier quelques constantes de la politique étrangère américaine qui perdureront après la prochaine élection présidentielle. Pour une raison très simple : les intérêts nationaux américains ne changeront pas du jour au lendemain. Barack Obama – et en cela il ne se distingue pas de John McCain, son rival républicain – insiste sur la supériorité militaire américaine et sur la vocation de son pays à assumer un rôle de leadership dans le monde. Il est probable que le regain de tension internationale provoquée par la guerre entre la Russie et la Géorgie l’amènera encore à durcir sa position. Car il serait naïf de penser que la politique étrangère de George W. Bush, au cours de ses deux mandats, a représenté une déviance par rapport à la tradition américaine. Si exception il y a eu, il faut plus la chercher dans la radicalité de l’expression que dans la direction.
Un ancien ambassadeur de France à Washington remarquait naguère que les Européens avaient tendance à partager les mêmes valeurs que les démocrates américains mais s’entendaient plutôt mieux avec les administrations républicaines, parce que, disait-il, elles ont une vision moins idéologique des relations internationales. Si ce n’était pas tout à fait vrai avec George W. Bush, les difficultés de ces dernières années ont poussé à idéaliser les rapports transatlantiques au temps de Bill Clinton. Barack Obama, s’il est élu, pourrait bien mettre ses pas dans ceux de la dernière administration démocrate. Dans les années 1990, ses émissaires parcouraient l’Europe pour sonder les Européens. Si vous êtes d’accord avec nous, disaient-ils en substance dans les chancelleries, soutenez notre politique. Si vous n’êtes pas d’accord, nous agirons seuls.
La manière dont le candidat démocrate à la Maison Blanche voit les rapports avec l’Europe n’est pas très différente. Elle rappelle une vieille anecdote sur la vie de couple : avec mon compagnon, nous partageons également les décisions, dit la femme. Quand nous sommes d’accord, c’est lui qui décide. Quand nous ne sommes pas d’accord, c’est moi.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.