Entre Moscou et Washington, rien ne va plus. La crise géorgienne a réveillé les vieux antagonismes. Et laissé place à une escalade verbale entre les deux grandes puissances. Côté américain, l’heure est au soutien clairement affiché à la Géorgie, contre “l’agression” russe. Pour preuve, George W. Bush a décidé d’envoyer sa secrétaire d’Etat à Tbilissi, ce jeudi. Et ce, dixit Bush, pour “témoigner de notre solidarité envers le peuple géorgien”. Sur la route de Tbilissi, Condoleezza Rice fera un arrêt par le fort de Brégançon, dans le Var, pour rencontrer Nicolas Sarkozy.
Dans une allocution télévisée, le président américain n’a pas caché son impatience face à l’attitude de la Russie. Il a vivement dénoncé les violations répétées du cessez-le-feu. Mercredi l’armée russe est entrée dans Gori, ville située sur l’axe stratégique est-ouest entre l’Ossétie du Sud et Tbilissi. Une présence qui va à l’encontre du plan de paix proposé par Nicolas Sarkozy au nom de l’Union européenne et accepté par la Russie et la Géorgie mardi. Celui-ci prévoit en effet le retrait des armées russe et géorgienne sur leurs positions antérieures au conflit. Mais jeudi, le Kremlin a annoncé que ses troupes resteraient encore deux jours dans la ville de Gori. Les soldats russes occuperaient également le port de Poti.
“Nous ne sommes plus en 1968”
Mercredi, George W. Bush a demandé à la Russie de cesser toute action militaire sur le territoire de son voisin et de retirer ses troupes. “Pour commencer à réparer les dommages faits à ses relations avec les Etats-Unis, l’Europe et d’autres pays, et commencer à restaurer sa place dans le monde, la Russie doit tenir sa parole et agir pour mettre un terme à cette crise”, a-t-il estimé, promettant de “mobiliser le monde libre dans la défense d’une Géorgie libre”. Même son de cloche du côté de Condoleezza Rice. “J’ai entendu le président russe dire que ses opérations militaires étaient terminées. Je dis qu’il est temps que le président russe respecte sa parole”, a-t-elle lancé. Le ton de la secrétaire d’Etat a même été plus cassant. “Nous ne sommes plus en 1968 et à l’invasion de la Tchécoslovaquie, quand la Russie pouvait menacer un voisin, occuper sa capitale, renverser son gouvernement et s’en tirer. Les choses ont changé”, a-t-elle rappelé.
La réponse de Moscou ne s’est pas fait attendre. Le vice-Premier ministre russe, Sergueï Ivanov, a déclaré que l’intervention en Géorgie était comparable à la réponse américaine aux attaques du 11-Septembre. Interrogé par la BBC, le ministre a par ailleurs exprimé sa surprise face à la condamnation internationale de l’opération russe. Depuis le début de la crise, Moscou estime qu’elle n’a fait que réagir en légitime défense – ses soldats de la force de paix internationale déployée en Ossétie du Sud ont été attaqués – et pour protéger les populations, au nom justement de ce mandat international. “Nous avons juste réagi parce qu’il n’y avait pas d’autre option. N’importe quel pays civilisé se serait comporté de la même façon” a déclaré Sergueï Ivanov. Mardi, aux côtés de Nicolas Sarkozy à Moscou, le président Dmitri Medvedev avait tenu le même discours, estimant que son pays avait été “contraint” de réagir. Le ministre russe a par ailleurs exhorté Washington à choisir entre “un projet virtuel” – la Géorgie – et “un véritable partenariat” avec la Russie.
Paris espère une résolution
Entre Washington et Moscou, la France se retrouve un peu coincée. Et avec elle toute l’Union européenne. Dans l’entourage du président français, on estime que les Etats-Unis sont sur le banc de touche dans la médiation internationale, car trop proches de la Géorgie. Paris espère désormais faire approuver d’ici la fin de la semaine par le Conseil de sécurité des Nations unies son plan de paix, car seul un passage par l’ONU le rendra contraignant pour les parties en conflit.
Seul problème: pour faire accepter son plan par Tbilissi – alors même que celui-ci n’inclut pas la reconnaissance de la souveraineté territoriale de la Géorgie – Nicolas Sarkozy aurait promis à son homologue géorgien, Mikhaïl Saakachvili, que la résolution de l’ONU évoquerait cette question ainsi que l’obligation, pour la Russie, de respecter le non-recours à la force. Mais cette version remaniée devrait faire tiquer les Russes, qui disposent d’un droit de veto aux Nations unies. Dans ce conflit, Paris se livre à un difficile jeu d’équilibriste. Jusqu’à présent, la présidence française a été efficace dans la région et Moscou a montré qu’elle acceptait le rôle de l’UE dans la résolution du conflit. Mais la visite de Condoleezza Rice en France pourrait contraindre Nicolas Sarkozy à prendre des décisions susceptibles de rompre le fragile équilibre.
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