Même si l’on s’en doutait un peu, le choc est rude : Washington vient de confirmer que Faisal Shahzad, l’auteur de l’attentat raté de Times Square à Manhattan, a agi pour le compte du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP, le Mouvement des talibans du Pakistan). Gros embarras pour Islamabad… et pour les Etats-Unis.
C’est Hillary Clinton qui, la première, a exprimé tout haut ce que tous les responsables américains pensent tout bas : l’attentat de Times Square a échoué mais, si d’aventure, une autre attaque du même genre venait à réussir, les Etats-Unis ne pourraient pas rester inertes. ” Si, que le Ciel nous en préserve, une attaque comme celle (de Times Square) réussissait, et que l’enquête remonte au Pakistan, il y aurait des conséquences très graves “, a déclaré la Secrétaire d’Etat américaine lors d’une interview à la chaîne de télévision CBS. Ces conséquences ne sont pas difficiles à imaginer : Washington ne se contenterait plus des promesses cent fois renouvelées d’Islamabad d’éliminer les terroristes qui trouvent refuge au Pakistan ; les Américains “feraient le travail” eux-mêmes. Un cauchemar pour les autorités pakistanaises, qu’il s’agisse du gouvernement civil ou de l’establishment militaire.
L’anti-américanisme ne désarme pas au Pakistan. Si les Etats-Unis ne se contentaient plus des tirs de missiles à l’aide de drones (avions sans pilote) sur la Zone tribale du Nord-Waziristan (qu’ils pilonnent déjà avec une régularité de métronome) ; s’ils envoyaient davantage de forces d’élite (elles sont pour l’heure censées entraîner une toute petite fraction de l’armée pakistanaise), l’opinion publique pakistanaise ne manquerait pas de réagir. Le gouvernement, voire l’armée, qui a repris des couleurs, pourraient en faire les frais.
Et maintenant ?
Dans le même temps, les Etats-Unis ont besoin du Pakistan pour sortir du bourbier afghan. Ils ne peuvent ignorer combien la situation est fragile au Pakistan, où la démocratie vient juste de reprendre ses droits. Alors, une fois encore, ils manient la carotte et le bâton. Samedi, le général Stanley McChrystal, le Commandant des troupes US et de la coalition en Afghanistan, a fait le voyage jusqu’à Islamabad, où il s’est entretenu avec le général Ashfaq Kayani, le chef des armées pakistanaises. Selon le New York Times, il lui aurait fermement demandé de lancer sans tarder une offensive contre le Waziristan du Nord. Cette Zone tribale abrite des talibans afghans, mais aussi pakistanais. C’est là qu’Hakimullah Mehsud, le chef du TTP donné pour mort (photo ci-dessus) et qui vient de refaire surface, a trouvé refuge. Il n’y est pas seul : tous les militants islamistes qui ont réussi à s’enfuir avant l’offensive militaire contre le Waziristan du Sud se sont réfugiés au Nord. Ils y ont retrouvé des éléments d’Al-Qaïda, des djihadistes pendjabis…. C’est là que Faisal Shahzad, le “terroriste amateur” de Times Square aurait été entraîné.
Officiellement pourtant, les Américains se disent très satisfaits de la coopération du Pakistan dans l’enquête. Surtout, ils ont immédiatement déclaré qu’il n’était pas question de geler l’aide financière au Pakistan au nom de la lutte contre le terrorisme.
Reste que les talibans ont marqué un énorme point face aux Etats-Unis. Même s’il est avant tout d’ordre psychologique : l’attentat de Times Square a échoué mais le ver est dans le fruit; l’ennemi a mis un pied en territoire américain. Jusqu’ici Washington redoutait avant tout un attentat d’envergure en Inde, mené par des terroristes venus du Pakistan… Pour une raison simple : cela pourrait amener les Indiens à riposter et à masser quelques troupes à leur frontière avec le Pakistan. Comme en 2002, après l’attaque du 13 décembre 2001 contre le Parlement de Delhi. Le Pakistan réagirait alors sans aucun doute, et en profiterait pour dégarnir son front occidental… là où les Etats-Unis ont tellement besoin des soldats pakistanais. Voilà pourquoi Washington ne s’est jamais privé de demander à l’Inde de faire preuve de retenue.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.