États-Unis : trou d’air pour Obama
Désormais assuré de son investiture à six mois de la présidentielle, Mitt Romney, l’adversaire républicain de Barack Obama, talonne ce dernier dans les sondages et apparaît à une majorité d’électeurs comme le mieux placé pour redresser l’économie.
« Êtes-vous en meilleure situation qu’il y a quatre ans ? » Cette question, le candidat Ronald Reagan l’avait posée aux Américains lors de la campagne pour la présidentielle de 1980. Elle l’opposait au démocrate Jimmy Carter, alors président des États-Unis. Incapable d’offrir une réponse satisfaisante aux électeurs malgré une relative popularité, ce dernier avait finalement dû céder sa place à l’ancien acteur, dont le cheval de bataille fut l’économie. Barack Obama se trouve dans une position semblable à six mois d’un scrutin qui pourrait être plus compliqué que prévu, tant il peine à rassurer les Américains sur leur avenir. « Vous pourriez bien être le président d’un seul mandat », lui aurait même confié Steve Jobs lors d’un dîner, quelques semaines avant son décès. L’ancien patron d’Apple, première capitalisation boursière aux États-Unis, reprochait au président de ne pas expliquer suffisamment les raisons pour lesquelles il n’était pas en mesure de tenir les promesses faites en 2008. Ni de susciter le même enthousiasme.
Apparemment, nombre d’observateurs commencent à partager ce point de vue. Dans son talk-show sur MSNBC, le 29 avril, Melissa Harris-Perry a repris à son compte l’interrogation de Reagan et souligné les difficultés auxquelles le président sortant est confronté. C’était d’autant plus intéressant que ses invités étaient plutôt proches d’Obama. Et que tous ont reconnu sa faiblesse sur le plan économique, notamment dans le domaine de l’emploi.
Au premier trimestre de l’année en cours, la croissance de l’économie (+ 2,2 %) a nettement ralenti par rapport au dernier trimestre de 2011 (+ 3 %), laissant entrevoir des perspectives guère enthousiasmantes pour les mois à venir, dans un contexte international difficile. Les Américains en sont conscients, comme le montre un sondage réalisé le 18 avril par le New York Times et CBS News. Au coude à coude avec chacun 46 % des intentions de vote, Obama et Romney, son plus que probable rival républicain, se différencient sur un point important aux yeux des sondés : leur capacité à améliorer l’économie. Or les personnes interrogées accordent sur ce point plus de crédit au républicain qu’au président démocrate.
Swing states
Ce dernier, qui entre officiellement en campagne ces jours-ci, se trouve donc dans une position peu enviable. À la différence de 2008, c’est exclusivement sur la situation économique intérieure que se jouera la victoire. L’attention se porte aujourd’hui sur les swing states, ces États où aucun des deux partis ne domine les débats et qui sont en mesure de faire ou de défaire un président. Au nombre de quatorze, parmi lesquels la Virginie et le Wisconsin, ils sont moins bien lotis que le reste du pays en matière de créations d’emplois. Au mois de mars dernier, 6 500 postes y ont été créés, contre 100 600 le mois précédent, ce qui est de nature à faire basculer les suffrages en faveur du candidat républicain.
« Nous avons besoin d’un président qui ait un profil d’homme d’affaires, et celui de Romney est impressionnant. Il dispose d’un projet qui redonnera au pays sa puissance économique », expliquait un électeur indépendant du Minnesota, l’un des swing states, dans les colonnes du New York Times, le 18 avril.
Le charme est rompu
Obama doit aussi séduire les jeunes électeurs, qui avaient joué un rôle important lors de son élection en 2008. Avec 50 % des moins de 30 ans au chômage ou occupant un emploi sous-qualifié, le charme aura peut-être plus de mal à opérer. Une récente étude réalisée par l’Institute of Politics de l’université Harvard montre que seuls 20 % des jeunes âgés de 18 à 30 ans estiment que « le pays va dans la bonne direction ». L’enthousiasme de 2008 est retombé. Soixante-six pour cent des jeunes avaient voté pour Obama il y a quatre ans. Ils ne sont plus que 43 % à souhaiter sa réélection. Il n’est donc pas étonnant que le sortant multiplie les gestes en leur faveur. Fin avril, il s’est engagé à faire pression sur le Congrès, dominé par ses adversaires républicains, pour que les taux des prêts étudiants subventionnés ne doublent pas en juillet. Il a fait cette annonce dans le célèbre show Late Night with Jimmy Fallon à l’occasion d’un boeuf jazzy en duo avec l’animateur de l’émission.
Ce côté cool du président est évidemment de nature à séduire les jeunes. Mais il peut aussi se retourner contre lui. « Il y a quatre ans, accuse Romney, les Américains ont élu la plus importante personnalité mondiale ; et ils ont hérité d’un président cool. Mais, après quatre années de présidence cool, votre vie s’est-elle vraiment améliorée ? » Tel est le message délivré dans un clip vidéo dénonçant le penchant d’Obama à fréquenter les stars, comme l’a encore prouvé le dîner de l’Association des correspondants à la Maison Blanche, le 28 avril.
Voilà une autre question à laquelle va devoir répondre Barack Obama d’ici au 6 novembre, faute de quoi il risque de devoir céder sa place. Mais n’exagérons rien. « Sa position reste favorable, estime le politologue Peter Brown, de l’université Quinnipiac (Connecticut). Il est toujours en tête des intentions de vote, y compris dans les swing states. » Avant d’ajouter, prudemment : « Mais il reste six mois avant l’échéance. »
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