Plan “anti-Netflix”, pourquoi c’est une faute de communication ?
MARIE BLANDARD / PROFESSEUR DE SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES | LE 28/07 À 16:33
L’arrivée tapageuse de Netflix en France préfigure ce que beaucoup perçoivent déjà comme une révolution en puissance. Pourtant, si le service proposé par Netflix ne manque pas d’intérêt, à son débarquement sur le sol français en septembre, il sera loin d’être inédit. Canal+, VidéoFutur, Orange ou encore Numericable ont mis les bouchées doubles pour ne pas être débordés par le géant Californien.
Des initiatives qui pâtissent toutefois, sur le plan de la communication, d’être estampillées “anti-Netflix”. Explications.
Netflix, au juste, c’est quoi ? Un service de vidéos à la demande, permettant le visionnage d’un grand nombre de programmes moyennant finances, autour de 8 euros par mois. Si la fraicheur du catalogue de films laisse parfois à désirer, puisqu’un délai de 36 mois doit être respecté entre la sortie d’un film dans les salles obscures et sa mise à disposition sur une plateforme de streaming, Netflix se rattrape sur les séries. Et pour cause, il lui arrive de les produire lui-même. House of Cards ou encore Orange is the new black sont ainsi estampillées « home made ».
Pourtant, même sur ce créneau phare, Netflix est loin d’être irréprochable. A l’exception des séries qu’il concocte lui-même, sympas sans être des chefs-d’œuvre, le service propose surtout du réchauffé : Bones, X-Files, Les Experts, etc. Bref, si le catalogue de Netflix est volumineux, il souffre bien souvent d’un manque d’adéquation avec la demande d’internautes assoiffés de nouveautés.
On le voit, la partie est donc loin d’être jouée d’avance pour Netflix. D’autant que son déploiement en France ne devrait pas être de tout repos. Aiguillonnée par son arrivée imminente, la résistance s’organise . Orange a ouvert les hostilités avec une variante du Chromecast de Google, répondant au nom d’Orangecast (il fallait l’inventer). En gros, il s’agit d’une clé HDMI incluant des chaînes de TV et la VOD issue d’Orange Cinéma Séries (OCS), clé qu’on est invité à brancher sur un téléviseur.
Du côté de chez Canal+, on se défend de mettre les bouchées doubles en prévision de la déferlante Netflix. Force est pourtant de constater que depuis quelques semaines, la communication va bon train autour de l’offre SVOD du groupe. CanalPlay, c’est son nom, rassemble déjà plus de 500 000 abonnées et compte quelque 9 000 programmes, dont plus de 6 000 épisodes de séries. La chaîne cryptée a passé un accord avec HBO pour diffuser ses séries telles que Game of Thrones, Girls, etc.
Le câblo-opérateur Numericable proposera également une offre alléchante pour tous les sériephiles. Dès septembre, la filiale d’Altice lancera en effet une plateforme dédiée aux séries en streaming, basée sur le catalogue de sa box Numericable. « Nom de code de l’opération : Séries-flix », précise le JDD. Se concentrer sur le segment des séries est plutôt malin, puisque l’opérateur n’a pas en la matière à respecter le délai de 36 mois réservé aux films, et devrait donc être en mesure de proposer des exclusivités à ses clients.
Le lien entre VidéoFutur et Netflix est évident. Comme son grand frère américain, VidéoFutur a commencé en tant que loueur de DVD, avant de se mettre aux contenus en streaming VOD. La comparaison s’arrête toutefois ici. Avec un catalogue d’à peine 500 films et une poignée de séries seulement, VidéoFutur ne devrait pas constituer un obstacle majeur pour Netflix.
Dans le même registre, citons aussi les initiatives des outsiders Vodkaster, FilmoTV, UniversCiné ou encore Jook Vidéo, dont les offres ne manquent pas forcément d’intérêt, mais qui souffrent de la modestie de leurs moyens sur un marché ultra concurrentiel.
L’émergence d’une pléthore d’offres alternatives à Netflix n’est pas due qu’à la volonté d’acteurs privés de ne pas se laisser supplanter par le Californien. Elle correspond aussi à un pari politique, porté par la ministre de la Culture Aurélie Filippettidans le cadre d’un véritable plan anti-Netflix qui ne dit pas son nom, visant notamment à « promouvoir et développer l’excellence des acteurs hexagonaux dans le domaine de la vidéo à la demande (VOD et SVOD). »
S’il convenait en effet de ne pas rester bras ballants face à la charge venu des Etats-Unis, on est tout de même en droit de se demander si cette levée de boucliers orchestrée par le Gouvernement ne s’avèrera pas contre-productive. En mettant en évidence la nécessité de proposer une réponse forte à Netflix, la ministre souligne la force de frappe de l’offre du groupe originaire de Los Gatos, et lui assure une publicité en or.
Vent debout contre l’offensive Netflix, les services de VOD français se devaient de ne pas rester passifs. Si les réponses apportées sont inégales, certaines s’en sortent plutôt très bien. Sur le plan de la communication, nos frenchies auraient en revanche pu se passer de l’intervention du Gouvernement.
Ce dernier, en les laissant simplement continuer de communiquer sur leurs nouvelles offres auprès du public, aurait évité que ces offres soient perçues comme des contre-attaques, et n’aurait pas placé de facto aux yeux des Français Netflix comme le mètre-étalon, la référence. Une “référence” qui, de plus, on l’a vu, laisse souvent à désirer.
tflix, les services de VOD français se devaient de ne pas rester passifs. Si les réponses apportées sont inégales, certaines s’en sortent plutôt très bien. Sur le plan de la communication, nos frenchies auraient en revanche pu se passer de l’intervention du Gouvernement.
Ce dernier, en les laissant simplement continuer de communiquer sur leurs nouvelles offres auprès du public, aurait évité que ces offres soient perçues comme des contre-attaques, et n’aurait pas placé de facto aux yeux des Français Netflix comme le mètre-étalon, la référence. Une “référence” qui, de plus, on l’a vu, laisse souvent à désirer.
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