L’Américaine Amanda Knox et l’Italien Raffaele Sollecito, son amant au moment des faits, ne sont donc pas coupables du meurtre de la Britannique Meredith Kercher, retrouvée à demi nue, violée et poignardée dans son appartement, en 2007 à Pérouse. Ils étaient étudiants Erasmus, beaux, aisés, fumeurs de joints parfois et assez libres de leurs corps et leurs sentiments.
Le succès d’un fait divers tient à peu de chose : un visage, un décor, une histoire. Le visage ? c’est avant tout celui d’Amanda. Tour à tour séraphique ou cruel, angélique ou buté, botticellien ou diabolique. C’est aussi celui de Raffaele Sollecito, un peu Jacques Perrin dans ses premiers rôles, un peu benêt aussi, parfois. Pour le décor, Pérouse, une des villes les plus universitaires d’Italie, est imbattable. Juchée sur une colline dominant l’Ombrie. Magnifique, simplement magnifique. L’histoire ? Celle d’amours qui se font et se défont sans manière. Sur cette trame, certains ont voulu projeter la version gore de L’Auberge espagnole ou réecrire celle d’Un Diable au paradis (Henry Miller) revue par Charles Manson.
Mais il faut encore autre chose : des coups de théâtre, une narration haletante, et des positions tranchées. L’affaire Knox-Sollecito-Kercher n’en manqua pas. Une enquête un peu bâclée, des indices minces comme une tranche de Culatello, des aveux un peu trop sollicités, un fuyard, Rudy Guede, retrouvé et condamné à seize ans de prison pour le viol de Meredith, mais pas pour son meurtre. Et des journalistes pour faire monter le soufflé. Se faisant le plus souvent les défenseurs d’une thèse que les témoins d’une procédure, les médias ont transformé l’affaire en derby intercontinental.
Un meurtre sans vrai coupable à ce jour
Pour les Américains, Amanda était innocente, et la justice italienne, incompétente ; pour les Anglais, à la recherche d’un coupable du meurtre de leur compatriote, Amanda ne pouvait qu’avoir tué Meredith au cours d’un jeu sexuel qui aurait mal tourné. Et les Italiens ? Un peu partagés entre ceux pour qui l’innocence de Raffaele ne faisait aucun doute et ceux pour qui le jeune homme pâle aurait été un jouet timide entre les mains d’Amanda la tentatrice.
Et la justice ? Elle aussi y a mis du sien pour faire de cette histoire LE fait divers de ce début de millénaire. Cinq procès de la première instance à la cassation qui ont balancé à deux reprises entre la thèse de la culpabilité totale des « amants diaboliques » (25 et 26 ans de prison) et leur totale innocence (acquittement), entre des convictions – et qui n’en a pas ? – et des preuves. Or, celles-ci manquaient. C’est ce qu’a rappelé, tard dans la nuit, vendredi 27 mars, la cour de cassation, saisie pour la deuxième fois, en acquittant Amanda Knox et Raffaele Sollecito.
Ils vont pouvoir reprendre leur vie interrompue. Elle à Seattle, aux Etats-Unis, où les contrats mirifiques l’attendent, lui dans les Pouilles, d’où il est originaire. Ils ont fait quatre ans de prison pour rien et s’apprêtent à demander de sérieux dommages et intérêts. Reste la douleur de la famille de Meredith, confrontée à un meurtre sans vrai coupable à ce jour.
Mais n’en déplaise aux accrocs de cette affaire, son arrêt est définitif. Il n’y aura pas de sixième acte, de sixième saison. On pourra en écrire des livres (c’est déjà fait), en tirer des films ou des téléfilms (c’est fait aussi), mais la phase judiciaire est close. Comme à la fin d’une série trop longtemps vue, il restera chez certains une impression de vide, de désœuvrement. Une seule solution pour y échapper : parler d’autre chose.
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