Parce que la carte électorale avantage massivement les démocrates et parce qu’il s’est coupé de pratiquement toutes les minorités, Donald Trump n’a quasiment aucune chance de rassembler les 270 délégués nécessaires pour accéder à la Maison-Blanche.
Inutile de faire durer le suspense plus longtemps. A dix semaines de l’élection présidentielle, Donald Trump a perdu tout espoir de remporter la Maison-Blanche, ou presque. Le milliardaire, qui n’est pas du genre à douter de lui-même, a surpris en évoquant lui-même sa possible défaite, le 11 août dernier : « Si j’échoue, ce n’est pas grave. Je prendrai de longues et bonnes vacances », a-t-il confié à la chaîne CNN. La situation semble si désespérée que des responsables républicains suggèrent au parti de délaisser la campagne présidentielle pour concentrer ses efforts sur le maintien d’une majorité au Sénat, les élections parlementaires ayant lieu le même jour, le 8 novembre.
Les télévisions américaines ont beau jurer que rien n’est joué – par respect du processus démocratique et plus encore pour maintenir leur audience -, Donald Trump n’a en fait pratiquement aucune chance de rassembler les 270 délégués nécessaires pour accéder à la Maison-Blanche. D’abord, parce que la carte électorale avantage massivement les démocrates. Ils sont certains de remporter au moins 18 des 50 Etats du pays (New York, Californie, Massachusetts, New Jersey, etc.). Ce sont des terres qui ne leur ont jamais échappé depuis un quart de siècle et que les républicains ne pourraient récupérer qu’au prix d’une profonde révolution idéologique. Ces Etats garantissent, à eux seuls, 242 grands électeurs au camp démocrate. Malgré une campagne terriblement insipide, Hillary Clinton est donc quasi assurée de sa victoire : il lui suffit de gagner un seul des grands Etats clefs – ces rares régions susceptibles de changer de camp à chaque élection (Floride, Pennsylvanie, Ohio, etc.).
La voie de Donald Trump est autrement plus étroite. La carte électorale, c’est-à-dire le nombre de délégués attribués pour chaque Etat, est ainsi faite que les républicains affichent un sérieux handicap à chaque élection. Seuls 13 Etats leur sont acquis avec certitude, qui ne représentent que 102 grands électeurs. Il leur faut donc conquérir beaucoup d’Etats clefs – la quasi-intégralité en fait – pour espérer dépasser la barre fatidique des 270 délégués. C’est l’exploit qu’avait accompli George Bush en 2000 et 2004. Mais il n’y était parvenu qu’au prix de lourdes concessions à l’intention des centristes. Il avait notamment soutenu l’idée d’une union civile pour les homosexuels – un sacrilège pour les républicains !
La puissance des Latinos
Après huit années démocrates (Bill Clinton), c’était le seul moyen de faire basculer les Etats clefs dans le giron républicain, au premier rang desquels la Floride (29 délégués), l’Ohio (18 délégués) et la Pennsylvanie (20 délégués). Donald Trump espère renouveler l’exploit. Mais, contrairement à George W. Bush, il ne défend aucune mesure susceptible de séduire les minorités (Noirs, Latinos, homosexuels, etc.). Hillary Clinton est ainsi donnée largement gagnante en Floride et dans l’Ohio. Elle explose tous les compteurs en Pennsylvanie, avec une avance de 9 points selon les derniers sondages.
La faute n’en revient pas qu’à Donald Trump. Compte tenu des changements démographiques, son combat est autrement plus difficile à gagner qu’il ne l’était pour George W. Bush dans les années 2000. A titre d’exemple, celui-ci avait remporté le Nouveau-Mexique, ce qui serait totalement impossible aujourd’hui : les Latinos sont devenus tellement puissants que les démocrates ne peuvent plus y perdre. La meilleure preuve est que plus personne n’y fait campagne depuis 2008 ! Donald Trump en est donc réduit à monter des scénarios quasi impossibles, espérant remporter tout à la fois la Floride, l’Ohio, l’Iowa et le Nevada, et pourquoi pas le Colorado et la Virginie. Mais, comme au Nouveau-Mexique, la montée des Noirs et de Latinos fait que ces Etats, historiquement républicains, penchent plutôt démocrate aujourd’hui. Hillary Clinton y est donnée largement favorite.
La démographie est-elle à ce point défavorable que les républicains n’ont aucune chance de reconquérir la Maison-Blanche ? Certains le pensent… D’autres estiment que c’est au Parti républicain de faire son aggiornamento en s’ouvrant aux minorités. Donald Trump a totalement échoué de ce point de vue-là. Sourd aux conseils de son entourage, il s’est concentré sur un pan extrêmement étroit de l’électorat : l’homme blanc du Midwest. Pratiquement toutes les autres populations lui échappent : Hillary Clinton affiche ainsi une très confortable avance auprès des femmes (51 %, contre 35 % pour Donald Trump), des Noirs (91 % contre 1 %), des jeunes (46 % contre 34 %) et des diplômés (47 % contre 40 %).
« Renvoyer les “mauvais” immigrés »
Le milliardaire a bien tenté de corriger le tir récemment. Il a troqué son odieux directeur de campagne, Paul Manafort, pour une reine des sondages, Kellyanne Conway. Il espère faire la paix avec les Latinos, en reniant tout ce qu’il a pu dire jusqu’alors sur l’immigration. Il n’est ainsi plus question de renvoyer les 11 millions d’immigrés clandestins présents aux Etats-Unis – tout juste les « mauvais », dit-il. Mais le revirement est tellement tardif qu’il ne convaincra certainement pas les minorités de changer leur vote. Dans cette dernière ligne droite, Donald Trump ne peut donc plus espérer qu’un immense coup de théâtre pour déjouer les pronostics. Il se prend à rêver qu’un nouveau scandale force Hillary Clinton à rendre les armes ou qu’un attentat de grande ampleur provoque une poussée de fièvre sécuritaire dans le pays. Deux scénarios qui ne sont malheureusement pas totalement exclus par les temps qui courent…
Lucie Robequain
Bureau de New York
LES POINTS À RETENIR
Malgré une campagne terriblement insipide, Hillary Clinton est quasi assurée de sa victoire.
Pour l’emporter, son adversaire républicain doit conquérir la plupart des Etats clefs – ceux qui sont susceptibles de changer de camp à chaque élection.
C’est l’exploit accompli par George Bush en 2000 et 2004. Mais il n’y était parvenu qu’au prix de lourdes concessions à l’intention des centristes, ce que Donald Trump se refuse à faire.
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0211229098442-la-victoire-quasi-impossible-de-donald-trump-2023993.php?8aWPhlxYDW3Z1D1Z.99
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