C’est un peu comme le boeuf, j’imagine. On n’est pas obligé d’arrêter totalement du jour au lendemain. Mais il y a une voix dans ma tête qui me dit : faut diminuer la dose de Trump. Tu as atteint le point toxique. C’est mauvais pour toi. Ça crée de l’inflammation, écoute ton corps, ton corps crie, il n’en peut plus.
Ça m’est arrivé cette semaine. Je me suis surpris à devenir tout énervé devant la nomination par Donald Trump d’un juge en Caroline du Nord.
Oui, madame, en Caroline du Nord.
Le candidat de Trump, Thomas Farr, avait défendu la politique de découpage des circonscriptions électorales dans cet État, une politique clairement discriminatoire envers les Noirs. Et voilà que le Sénat est arrivé à un vote de 50-50 pour confirmer cette nomination douteuse – permise grâce au vote du vice-président Mike Pence. Pas même capables de bloquer un candidat de ce genre…
Je ruminais tout ça quand j’ai eu ce flash psychiatrique : quand c’est rendu que la nomination d’un obscur juge de district en Caroline du Nord te fait flipper, c’est le temps de consulter.
Je me suis donc consulté. Et je me suis fait un petit guide de désintoxication de Trump en deux points.
1. DÉSEMPIRER TRUMP
Entendons-nous bien, je n’ai pas l’intention de dire ici que ce président est « pas si pire ». Il EST pire. Il est le plus affreux sur le plan personnel, c’est une sorte d’escroc et de menteur pathologique. Son langage va polluer le débat public pour longtemps. Ses attaques envers les institutions vont causer des dommages permanents.
Etc.
Etc.
Etc.
Mais attention à ces évidences. Toutes ces choses qui ont fait dire trop souvent : il fait bien paraître George W. Bush !
Bush fils en effet avait des manières. Il n’était pas grossier. C’était un fils de bonne famille, remis sur le chemin du Christ après une jeunesse dissolue – des rumeurs de consommation de drogue dans la vingtaine qui passionnaient la presse, c’est dire si l’époque était naïve.
Sauf que Bush a été authentiquement pire. Trump a tous les défauts qu’on étale et dont on se lamente jour après jour. Mais il n’a pas – pas encore – déclenché de nouvelle guerre.
George W. Bush a entrepris une guerre en Irak sous de faux prétextes en 2003. La guerre a coûté la vie à 134 000 civils irakiens. En 2013, 10 ans après son déclenchement, 30 experts de différentes universités avaient évalué le coût minimum de la guerre à 1,7 billion (c’est-à-dire 1700 milliards, ou 1,7 trillion en anglais). C’est sans compter la dévastation du pays, les centaines de milliers de réfugiés, les infrastructures démolies, les vétérans blessés…
La guerre avait pour but officiel de détruire un régime qui cachait des « armes de destruction massive » inexistantes. Elle a libéré les haines sectaires, en partie grâce à l’installation d’un régime inique par les Américains. On ne peut pas parler de Daech sans parler de la guerre en Irak, dont il est l’enfant monstrueux. Toute la géopolitique de la région a été déstabilisée par cette guerre insensée et ruineuse.
Ça, on le doit à George W. Bush et aux idéologues qui l’entouraient et qui prétendaient installer une démocratie contagieuse dans toute la région.
Dans la Maison-Blanche en folie de 2018, si l’on se fie au livre Fear de Bob Woodward, les militaires réussissent encore à contourner les lubies passagères du président.
Lequel, vraiment, a été le pire ? Celui qui allait à l’église la main sur le coeur en ravageant une région entière ? Ou le golfeur narcissique et incompétent ?
Bon. Vu qu’il n’est pas encore le pire, ça fait une bonne raison d’alléger la surveillance et de consommer moins de Trump.
2. C’EST LEUR PAYS, APRÈS TOUT
Voilà mon nouveau mantra. Ça me vient d’un ami. Il m’a dit cette chose toute simple un soir qu’on parlait encore de « ça ». Faut dire qu’on a vu les primaires républicaines ensemble en vacances, on a suivi tout le reste avec le même découragement historique. Un soir, donc, il a sorti ceci, qui m’est une sorte d’illumination : t’sais, s’ils veulent laisser une minorité empêcher de réglementer les armes à feu, ou abolir le droit à l’avortement, c’est leur affaire, au fond…
J’avoue que ça m’a fait du bien. Je me sentais déchargé soudainement d’un fardeau. On est trop près de ce pays, on finit par en absorber les névroses. On pense qu’on est eux, ou qu’ils sont nous.
Non, non, c’est pas notre faute. Et soudain on lit les nouvelles avec un rien de détente supplémentaire.
Je sais, quand ils jouent avec des armes nucléaires, c’est un peu notre affaire aussi. C’est aussi notre affaire quand les accords commerciaux sont remis en question. Mais à part le ton acrimonieux et les déclarations économiquement absurdes de Trump, ce n’est pas la première ni la dernière fois qu’un président tente d’obtenir une entente avantageuse pour son pays.
Pour le reste, pour la politique intérieure, pour tellement de sujets américains, juste de me dire et me répéter : c’est LEUR pays, LEUR président, LEURS sénateurs… Essayez ça, c’est étonnamment libérateur.
Et s’ils n’aiment pas leur président, qu’ils votent à plus que 50 % la prochaine fois, qu’ils réforment leur Constitution, que voulez-vous qu’on y fasse, on a assez de nos pipelines, nos troisièmes liens et nos maternelles pour cette semaine, non ?
On ne se désintoxique pas en 24 heures, c’est un long processus. Mais c’est possible. Après 36 heures, mon pouls s’améliore, je ne vois plus tout en orange et quand je mange une clémentine, je pense seulement à une clémentine.
Bon courage, vous m’en donnerez des Nouvelles.
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