Le lien scellé entre l’Europe, le Canada et les Etats-Unis est mis à rude épreuve par la politique unilatéraliste de l’administration Trump. L’heure est venue pour les Européens de prendre leur destin en main.
Jeudi 6 juin, au cimetière de Colleville-sur-Mer (Calvados), le président Emmanuel Macron remettra les insignes de la Légion d’honneur à cinq survivants américains du débarquement allié. Ces cinq héros sont aujourd’hui âgés de 94 à 100 ans. Les rangs des vétérans du « jour le plus long » qui font chaque année le voyage en Normandie pour commémorer cet exploit historique sont de plus en plus clairsemés : puisque la tradition veut que l’on célèbre avec un éclat particulier les anniversaires « en dix et en cinq », ce soixante-quinzième anniversaire est sans doute le dernier à être organisé en présence de représentants de cette formidable génération.
Le choix de leur président, Donald Trump, de ne rester que quelques heures sur ces plages de Normandie où tant de sang de son pays a été versé pour libérer l’Europe est donc d’autant plus significatif. Il aura, certes, été présent la veille aux cérémonies de Portsmouth, en Angleterre. Ses prédécesseurs ont toujours eu à cœur de prendre le temps de rendre hommage aux combattants de « D-Day », ce jour où, selon les termes de Ronald Reagan, « les Alliés se sont battus contre la tyrannie dans un effort d’une envergure sans équivalent dans l’histoire de l’humanité ». L’émouvant discours prononcé par le président Reagan à la pointe du Hoc en 1984 est aujourd’hui dans les livres d’histoire. Même Bill Clinton, premier président américain né après la seconde guerre mondiale, consacra six jours à une tournée des sites historiques du Débarquement en Angleterre, en France et en Italie pour le cinquantième anniversaire, en 1994.
Lien distendu
Autres temps, autres mœurs, autre conception du rôle de l’histoire. Président iconoclaste, Donald Trump aura, bien sûr, des mots d’admiration et de gratitude pour les héros du 6 juin 1944. Mais l’évocation de la mémoire n’a d’intérêt que si elle sert le futur, et le futur proposé par le président Trump n’a rien à voir avec l’idéal américain de 1944. Le lien scellé entre l’Europe, le Canada et les Etats-Unis par l’entreprise hors normes du Débarquement fut un élément fondateur de l’ordre multilatéral international d’après-guerre. Ce lien s’est aujourd’hui distendu, et cet ordre se délite, en grande partie sous l’effet destructeur de la politique unilatéraliste de l’administration Trump.
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Face à cette évolution, les Européens n’ont pas que leurs yeux pour pleurer. Les Etats-Unis les ont aidés à se reconstruire après la guerre ; ils ont assuré leur protection contre l’Union soviétique pendant la guerre froide ; ils ont soutenu l’effort de libération des pays communistes d’Europe centrale à la fin des années 1980, qui a abouti à la réunification de l’Europe et à l’élargissement de l’Union européenne. L’Europe est complexe, mais elle est aujourd’hui unie, en paix et prospère : à elle de prendre en main son destin. C’est une expression qu’affectionne Angela Merkel depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump ; la chancelière allemande a cependant été réticente jusqu’ici à joindre le geste à la parole. Le moment est venu de le faire, pour l’Allemagne et pour les autres Européens, Britanniques inclus.
En Normandie ce 6 juin, au côté de M. Trump, le président Macron a prévu de mettre un accent particulier sur le rôle des Français dans le Débarquement, des commandos Kieffer à ceux de l’intérieur. Il fut mineur, par rapport à l’ampleur de l’opération alliée, mais le général de Gaulle ne s’y était pas trompé : pour être un acteur, il faut d’abord compter sur ses propres forces.
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