What’s Left of International Cooperation in an Era of ‘Every Nation for Itself’?

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Que reste-t-il de la coopération internationale au temps du sauve-qui-peut national ?

L’épidémie de Covid-19 démontre l’importance du multilatéralisme, pourtant remis en cause par les nationalismes et l’isolationnisme américain. Et si la pandémie permettait de fonder de nouvelles relations ?

Le monde se recroqueville face à la progression de l’épidémie de coronavirus. Alors que le confinement se généralise, les mobilités se réduisent du local à l’international. Les frontières se ferment les unes après les autres de manière largement non coordonnée, comme l’a montré la décision unilatérale du président des Etats-Unis de suspendre les vols en provenance du continent européen. Des comportements égoïstes et confrontationnels sont rapportés chaque jour. L’Union européenne a annoncé des restrictions à l’exportation de matériel médical de protection (masques, gants, etc.). La Chine et les Etats-Unis échangent des insultes liées à l’origine du virus : l’administration Trump parle de «Wuhan pneumonia» ou de «Chinese virus», ce à quoi le gouvernement chinois répond par une théorie complotiste d’un virus ayant émergé dans des laboratoires américains. Mais la palme revient sans doute aux tentatives de l’administration Trump d’acheter une entreprise allemande (CureVac) en première ligne pour la mise au point d’un vaccin contre le Covid-19.

C’est l’heure du sauve-qui-peut national. Une réunion par visioconférence du G7 a beau avoir eu lieu lundi, ses conclusions molles (qui en a d’ailleurs entendu parler ? – même pas les marchés financiers) ne sont pas de nature à rassurer quant à une relance efficace de la coopération internationale.

Celle-ci était, il est vrai, bien affaiblie avant même la déclaration de la pandémie. Le fait que ce soit Emmanuel Macron qui ait pris l’initiative de demander une réunion du G7 à Donald Trump, alors que ce sont les Etats-Unis qui en assurent actuellement la présidence, en est un bon exemple. La crise du multilatéralisme était diagnostiquée depuis plusieurs années, avec d’un côté l’enlisement de l’ordre libéral américain et sa contestation notamment par la Chine et la Russie, et de l’autre la montée du nationalisme et des populismes, qui voient dans la coopération multilatérale une menace pour la souveraineté.

Les Etats pourraient apprendre les uns des autres

Pourtant, l’épidémie de Covid-19 actuelle démontre l’importance du rôle de coordination joué par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Certains mécanismes ont mieux fonctionné que par le passé. La Chine a bien plus rapidement coopéré avec l’organisation qu’en 2003, lors de la crise du Sras. Le séquençage génétique du virus du Covid-19 a été partagé dès le 12 janvier. Même l’Iran a accepté l’envoi d’une mission de l’OMS dans le pays. Après l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014, l’OMS a également renforcé sa capacité de réponse en cas d’épidémie, avec la création d’un Programme de gestion des situations d’urgence sanitaire.

Malgré tout, le directeur général de l’organisation déplore encore que des gouvernements ne partagent pas leurs données épidémiologiques, ou que plus d’un tiers des pays qui adoptent des mesures de fermeture de frontières ne les déclarent pas à l’OMS, alors que c’est pourtant une obligation des Etats membres. Sur les 675 millions de dollars dont l’organisation a besoin pour mettre en place son plan de réponse stratégique, seuls 100 millions ont pour l’instant été reçus.

La diversité des réponses sanitaires nationales montre également que les Etats pourraient mieux apprendre les uns des autres. Les recommandations émises par l’OMS au fil de la crise sont importantes à cet égard, mais le partage aurait pu avoir lieu en amont. Si la pandémie actuelle donne l’impression d’une unité du monde dans l’improvisation, certains Etats apparaissent mieux préparés que d’autres. Ainsi, la Corée du Sud a beaucoup appris lors de l’épidémie de coronavirus Mers qui l’a touchée en 2015, ce qui lui permet d’être en pointe sur les tests de personnes touchées par le Covid-19, de les identifier plus tôt, et d’avoir un taux de létalité plus faible.

Appel à une triple solidarité

La coordination technique, certes imparfaite, devrait servir de fondement à un engagement politique fort et commun de la part des Etats, dont l’absence pèse sur l’efficacité de la réponse internationale. L’OMS n’est pas une autorité supranationale qui pourrait imposer la coopération. Les Etats peuvent également apprendre de la crise économique et financière de 2008, et de l’importance d’une réponse coordonnée. L’Union européenne semble s’engager dans cette voie : si la réponse sanitaire est apparue désorganisée à l’échelle du continent, des mesures de soutien économique d’ampleur viennent d’être adoptées.

La coopération internationale apparaît indispensable, et dans peu de temps il faudra s’attacher à refonder le multilatéralisme. Ce sera plus facile si les gouvernements ne s’écharpent pas pendant la crise sanitaire. Coopérer est également un bon moyen de lutter contre la peur. Si un traitement ou un vaccin est développé contre le Covid-19, il serait rassurant de se dire qu’il sera mis à la disposition du monde entier. Il y a déjà un mois, le directeur général de l’OMS, le Dr Tedros, appelait à une triple solidarité : scientifique, financière, et politique. Les prochains jours seront cruciaux de ce point de vue, alors que les cas se multiplient désormais en Afrique et en Amérique latine. Espérons qu’il soit enfin entendu.

Auriane Guilbaud Maîtresse de conférences en science politique à l’Institut d’Etudes Européennes de l’Université Paris 8 et chercheuse au CNRS

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