À New York, après un an de silence, les “comedy clubs” rouvrent enfin leurs portes
Rire après le Covid
Par Claire Levenson , aux Etats-Unis
Publié le 22/04/2021 à 7:00
Après une année entière à faire du stand-up dans des parcs, des métros, des parkings ou encore sur Zoom, les humoristes new-yorkais sont enfin remontés sur scène, dans des salles remplies à 33 %, mais avec micros désinfectés et thermomètres à l’entrée.
« C’était comme être électrocuté, mais de façon positive ». C’est ainsi que l’humoriste Jerry Seinfeld a décrit son premier spectacle de stand-up à New York depuis le début de la pandémie. Il avait voulu être le premier à se produire au Gotham Comedy Club le 2 avril, le jour où il est redevenu légal de faire du stand-up en intérieur. Quelques jours plus tard, c’était le candidat à la mairie de New York, Andrew Yang, qui sautait et dansait sur scène aux côtés de l’humoriste Dave Chappelle. « Je suis là pour célébrer le retour de la comédie dans la plus belle ville du monde ! » criait-il sous les applaudissements du public.
Depuis plusieurs semaines, les New-Yorkais peuvent aussi aller au cinéma, manger des hot dogs au stade de baseball et faire un tour dans les montagnes russes de Coney Island. Après un printemps 2020 hanté par les sirènes d’ambulances et les morgues de fortune, la ville est en train de retrouver son énergie positive. Les comédiens, qui avaient passé un an à faire des spectacles désincarnés sur Zoom, ont l’impression de revivre.
UN SPECTACLE « DANS UNE BOÎTE DE VERRE »
« L’ambiance était très sympa et il y avait une énergie de rentrée des classes pour les humoristes qui ne s’étaient pas vus depuis longtemps, raconte Dina Hashem, qui est retournée sur scène au Comedy Cellar début avril. C’était un peu bizarre car il y avait du plexiglas entre les tables et sur la scène, donc c’est comme si tu faisais ton spectacle dans une boîte de verre ».
Conformément aux normes de sécurité imposées par l’État de New York, les clubs et les salles de concert ne peuvent accepter que 33 % de leur capacité normale, une contrainte qui rend la réouverture peu profitable d’un point de vue financier. Les spectateurs doivent porter un masque, mais peuvent l’enlever pour boire et manger, et si certaines grandes salles de théâtre exigent désormais des tests Covid négatifs, ce n’est pas le cas des petits clubs, qui s’en tiennent à une prise de température à l’entrée.
SPECTACLES DANS LES PARCS, LES MÉTROS, LES ÉGLISES…
« Les gens sont contents avant même que tu montes sur scène, explique l’humoriste Wellie Jackson, qui exerce à New York depuis dix ans. D’habitude, le public new-yorkais est plutôt blasé, mais là, ils sont vraiment heureux que tu aies fait le déplacement ». Avant la réouverture des clubs, il avait testé ses blagues dans des parcs dans le cadre de spectacles en plein air organisés par Dani Zoldan, le copropriétaire du club Stand Up NY.
« Ça a été une année difficile pour de nombreux comédiens, financièrement et mentalement. Se produire dans des parcs n’est pas idéal. Ils sont à Central Park et il y a des bébés qui pleurent et des chiens qui accourent vers eux, mais c’est mieux que de rester à la maison », résume-t-il. En automne et en hiver, certains humoristes se sont même produits dans le métro et dans des églises.
PASSAGE À VIDE
La jeune humoriste Dina Hashem évoque les galères de l’année passée : comme de nombreux artistes qui ont fui les loyers de New York, elle est temporairement retournée vivre chez ses parents dans le New Jersey voisin. Habituée à se produire sur scène presque tous les jours, elle a eu l’impression de « perdre son identité » et s’est reportée sur la création de podcasts et de vidéos humoristiques. « C’était beaucoup plus difficile d’écrire pendant le confinement car il ne se passait rien, se souvient-elle. La plupart de ce que j’écris est basé sur les expériences que j’ai. Or, comme il n’était pas possible d’avoir des expériences, c’était un passage à vide ».
Déterminé à rouvrir les salles le plus tôt possible, Dani Zoldan a aidé plusieurs comédiens à obtenir des rendez-vous pour se faire vacciner, et en mars, il a porté plainte contre le gouverneur de New-York, Andrew Cuomo. « Les cinémas, les bars, les restaurants, les stades, les bowlings et les salles de billard avaient pu rouvrir. On était traités différemment. Presque tous les établissements de notre industrie pouvaient opérer, sauf les comedy clubs et les salles de concert », explique-t-il.
RETOUR À LA NORMALE EN NOVEMBRE ?
Peu après, le gouverneur annonçait la réouverture des clubs, ainsi que celle de certains théâtres et salles de concert, même si la saison de Broadway reste reportée à septembre. Depuis, quatre boîtes de strip-tease, qui n’ont pas été autorisées à rouvrir, ont aussi porté plainte… Mais après un an sans revenus, plusieurs comedy clubs ont déjà dû mettre la clé sous la porte. Dangerfield’s, un établissement fondé en 1969 a fermé en octobre, et le Creek and Cave, une petite salle du Queens qui avait tenté de survivre en organisant des spectacles en plein air, a fermé en novembre.
Dans une ville où plus de 20 % des adultes sont vaccinés, le public n’est pas encore tout à fait à l’aise dans des petites salles mal ventilées. Dani Zoldan explique que si les humoristes ont hâte de revenir sur scène, les New-Yorkais ne se pressent pas encore pour sortir. Son club continuera donc d’organiser des spectacles en plein air pendant l’été, et il espère un retour à la normale vers le mois de novembre 2021.
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