Good News for the Coup

Published in Le Devoir
(Canada) on 27 November 2021
by Jean-François Lisée (link to originallink to original)
Translated from by Maren Daniel. Edited by Gillian Palmer.
“The people who cast the votes decide nothing. The people who count the votes decide everything.”

Joseph Stalin could always be counted on to be blunt. His minister of justice once confirmed that the USSR’s constitution protected “freedom of expression,” but added that it did not protect “freedom after expression.” Rich nuance.

In the game of realpolitik, supporters of Donald Trump’s return to the White House in 2024 are in secure territory as they focus their efforts on controlling those who count and certify votes. Broadly speaking, the goal of the multiform offensive is this: If Joe Biden gets the exact same number of votes next time that he did in 2020, electoral officials will invalidate his victory in key states. That is why a number of new laws now give state legislatures the right to invalidate elections, on top of making it more difficult for traditionally Democratic voters to vote.

Never before has the elected position of secretary of state attracted so much attention — but that is who certifies the results. Republicans are on the offensive to get candidates elected in 2022who believe in the “big lie” that Biden’s election is illegitimate. Trump personally backs actors of the future coup and contributes financially to their campaigns. We also note a record influx of "Trumpian" militants serving as local election observers. Such jobs, performed until recently by kind retirees, now come with heightened powers of oversight.

In order to succeed, Republicans will have to gain control of Congress in 2022. Since the Democrats only have a nine-seat majority in the House, only five seats will have to swing to the right in order to get there. One useful technique is to redraw the electoral map in order to create more safe seats. Because Republicans, on the state level, control twice as many redistricting processes as Democrats, it's practically a done deal. If the vote is the same as in 2020, redistricting already gives them six more seats, according to The New York Times, and Florida and Georgia have not even started yet — two states where prospects look good. “The floor for Republicans has been raised,” brags the chairman of the House Republicans’ campaign committee.

It is also necessary that the Republican majority be true Trumpians and that they accept the election as legitimate despite the cheating. The purging of the handful of Republicans who still have a democratic spine is in full swing. The Republican Party of Wyoming, for example, voted to no longer consider Liz Cheney a member. The others will lose in the primaries. It is essential because, if the electoral college is tied, the Constitution gives the House of Representatives the right to pick the president.

This has the mechanisms of a coup, but it is also a state of mind. Trumpian insanity will have to creep into the minds of all the party’s supporters. David Brooks, a moderate conservative, came back from a conference of elite Republicans convinced that this transition had already taken place. Democrats are no longer presented as political adversaries with mistaken ideas, like Ronald Reagan and John McCain thought. Henceforth, they are enemies. “We’re confronted by a systematic effort to dismantle our culture, our society, our traditions, our economy and our way of life,” says (for example) Sen. Marco Rubio, who until recently criticized Trump’s exaggerations.

Brooks was struck by the enthusiastic applause that the following remarks from the director of one of the leading right-wing think tanks, Rachel Bovard, drew: “Woke elites — increasingly the mainstream left of this country — do not want what we want. What they want is to destroy us. Not only will they use every power at their disposal to achieve their goal,” but they are already doing that by “dominating every cultural, intellectual and political institution.” We also need to know that in this apocalyptic vision of the world, the enemies are at once the rioters out of the Black Lives Matter movement and the billionaires who control Wall Street.

Along with the vilification of their adversaries is the normalization of political violence. These past few days, young Kyle Rittenhouse has become the darling of the right wing. His feat: having been acquitted of murder. He arrived, a minor, at a Black Lives Matter protest with an assault rifle. Taken to task, he killed two and injured one. For the right, Rittenhouse is a hero, a role model. At the same time, Congressional Republicans have all defended the right of one of their own to depict himself, in a cartoon, assassinating a famous Democrat, Alexandria Ocasio-Cortez. That is where we are at.

Perhaps all this prep work is useless. Biden’s waning popularity is such that the most recent polls have the Republicans winning in 2022, even without cheating. Even when asked to choose between Biden and Trump for president, the electorate is torn. But why risk it? If Trump wins in 2024, he wins. If he loses, he also wins.


« Je me fiche complètement de savoir pour qui les gens vont voter. Ce qui me préoccupe extraordinairement, par contre, est ceci : qui va compter les votes ? »

On pouvait toujours compter sur Joseph Staline pour dire les choses crûment. Son ministre de la Justice avait un jour confirmé que la constitution de l’URSS protégeait bien « la liberté d’expression ». Mais, avait-il ajouté, elle ne protégeait pas « la liberté après l’expression ». Riche nuance.

Au jeu de la realpolitik, les partisans du retour de Donald Trump à la présidence en 2024 sont donc en terrain sûr en concentrant leurs efforts sur le contrôle de ceux qui comptent et valident les votes. Globalement parlant, l’objectif de l’offensive multiforme en cours est le suivant : si Joe Biden devait obtenir, la prochaine fois, exactement autant de voix qu’en 2020, les responsables électoraux invalideront sa victoire dans les États clés. C’est pourquoi de nombreuses nouvelles lois donnent désormais aux législateurs des États le droit d’invalider des élections (en plus de rendre le vote plus difficile pour les électeurs traditionnellement démocrates). Jamais auparavant le poste, électif, de secrétaire d’État n’avait attiré l’attention. Or, c’est celui qui valide les résultats. Les républicains sont à l’offensive pour faire élire, en 2022, des candidats qui croient au « grand mensonge » voulant que l’élection de Biden soit illégitime. Trump appuie personnellement les acteurs du futur coup et contribue au financement de leurs campagnes. On signale aussi un afflux record de militants trumpistes aux postes d’observateurs électoraux locaux. Des fonctions naguère réservées aux gentils retraités, mais désormais investies, dans certains États, de pouvoirs de contrôle accrus.

Pour que le coup réussisse, il est essentiel que le Congrès soit contrôlé par les républicains à l’élection de 2022. Puisque les démocrates n’ont qu’une majorité de neuf sièges, il suffit que cinq basculent à droite pour y arriver. Une technique utile est de redessiner la carte électorale pour créer davantage de circonscriptions sûres. Puisque les républicains, dans les États, contrôlent deux fois plus de redécoupages que les démocrates, l’affaire est ketchup. Si le vote de 2020 se reproduit, le redécoupage leur donne déjà automatiquement six sièges de plus, selon un décompte du New York Times, alors que le processus n’est même pas encore commencé en Floride et en Géorgie, où la récolte s’annonce bonne. « Le plancher pour les républicains est plus élevé qu’avant », se vante le président de la campagne républicaine.

Il faut, de plus, que la majorité républicaine soit trumpiste pur jus et accepte la triche électorale comme vraie. La purge de la poignée de représentants républicains ayant encore une colonne vertébrale démocratique va bon train. Liz Cheney, par exemple, a été déchue de son affiliation par le Parti républicain de son État du Wyoming. Les autres seront défaits lors de leur investiture. C’est essentiel car, s’il y a impasse sur le résultat, la Constitution donne à la Chambre des représentants le droit de désigner le nouveau président.

Il y a la mécanique du coup, mais il y a aussi l’état d’esprit. La folie trumpiste doit percoler dans toutes les consciences du parti. Un conservateur modéré, David Brooks, est revenu d’une récente conférence de l’élite républicaine convaincu que cette transition avait déjà eu lieu. Les démocrates ne sont plus présentés comme des adversaires politiques aux idées erronées, comme le pensaient Ronald Reagan ou John McCain. Ils sont désormais des ennemis. « Nous sommes aux prises avec un effort systématique de démantèlement de notre société, de nos traditions, de notre économie et de notre mode de vie », déclare par exemple le sénateur Marco Rubio, naguère critique des exagérations trumpistes. Brooks fut frappé par l’applaudissement nourri qui a accueilli ces propos de la directrice d’un des principaux think tanks de droite, Rachel Bovard : « Les élites wokes — qui dominent désormais la gauche — ne veulent pas ce que nous voulons. Ils veulent nous détruire. Non seulement vont-ils utiliser tout levier à leur disposition pour y arriver », mais ils le font déjà en « dominant chaque institution culturelle, intellectuelle et politique ». Il faut savoir aussi que dans cette vision apocalyptique du monde, les ennemis démocrates sont à la fois les émeutiers issus du mouvement Black Lives Matter et les milliardaires qui contrôlent Wall Street.

À cette diabolisation de l’adversaire se combine la normalisation de la violence politique. Ces derniers jours, le jeune Kyle Rittenhouse est devenu la coqueluche de la droite. Son exploit : avoir été jugé non coupable de meurtre. Il s’était présenté, mineur, avec une arme d’assaut dans une manifestation pour les droits des Noirs. Pris à partie, il a fait deux morts et un blessé. Au mieux, l’affaire est tragique pour tous. Pour la droite, Rittenhouse est un héros, un modèle. Au même moment, tous les représentants républicains ont défendu le droit d’un des leurs de se mettre en scène, dans un dessin animé, assassinant une démocrate connue, Alexandria Ocasio-Cortez. Voilà où on en est.

Toutes ces préparations sont peut-être inutiles. La chute de popularité de Joe Biden est telle que les plus récents sondages donnent les républicains gagnants pour l’élection de 2022, même sans tricher. Invité même à choisir entre Biden et Trump pour président, l’électorat est maintenant également divisé. Mais pourquoi prendre un risque ? Si, en 2024, Trump gagne, il gagne. S’il perd, il gagne aussi.
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