Équilibre de la frayeur
La diplomatie survit pour l’instant au fracas des bombes et au soupir des cadavres qui accablent l’Ukraine. Le contraste est saisissant à chaque guerre : les belligérants ou leurs alliés respectifs continuent de se parler pendant que les balles sifflent. Ainsi, hier après-midi, deux jours après le bombardement du théâtre de Marioupol, le président américain Jo Biden s’est entretenu avec son homologue chinois Xi Jinping, tout comme le président russe Vladimir Poutine avec le chef de l’État français Emmanuel Macron.
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a beau déclarer qu’« on ne négocie pas avec un revolver sur la tempe », le dialogue est maintenu. Il ne doit pas en être autrement, pour préparer la paix et prévenir l’irrémédiable. Il ne peut en être autrement parce que, comme le démontre cette guerre au cœur du continent européen, les États et les superpuissances sont plus que jamais interdépendants. Il n’est donc pas surprenant que Xi Jinping ait estimé ce vendredi que les conflits militaires n’étaient « dans l’intérêt de personne ».
Si Washington cherche depuis plusieurs jours à impliquer l’empire du Milieu dans le dossier, c’est parce que l’opinion publique américaine et l’administration Biden n’ont aucune envie de s’engager plus avant sur le front ukrainien. Les États-Unis espèrent deux choses des Chinois : qu’ils n’apportent aucune aide militaire directe à l’armée russe et qu’ils infléchissent la position de Vladimir Poutine.
Les nuances récentes de la communication chinoise témoignent d’une volonté de ne se laisser piéger ni par l’allié russe devenu imprévisible et fragile, ni par le bloc Europe/États-Unis dont la réaction a été particulièrement ferme et rapide. Au-delà de la posture, Pékin a pleinement conscience qu’elle aurait beaucoup à perdre d’une récession mondiale et d’un enlisement du conflit, y compris pour ses propres visées expansionnistes. Les rapports de force imposés par la mondialisation n’ont pas que des défauts.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.