The Gay Marriage Stance that Divides American Churches

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Officiellement, c’est l’histoire d’un héroïque pataquès. Les dessous de la déclaration de Barack Obama en faveur du mariage gay du mercredi 9 mai sont dignes d’un épisode de The West Wing, la série télévisée qui raconte les coulisses de la présidence américaine. Ou plutôt, ils rappelleraient Veep, série hybride de la précédente, dont le héros est la vice-présidente et son éternel complexe d’infériorité. Car c’est bien du vice-président américain Joe Biden que tout est parti. Accidentelle, sa sortie du 6 mai en faveur du mariage gay fut immédiatement démentie par la Maison Blanche. Pourtant, trois jours plus tard, Barack Obama, acculé à réagir, marchait dans les pas de son colistier au cours d’une interview donnée à la chaîne ABC.

Entre ces deux événements, près de soixante-douze heures se sont écoulées. Soixante-douze heures pendant lesquelles l’histoire officielle raconte que le président américain aurait consulté ses équipes, ses proches, pesé le pour et le contre avant de prendre solennellement position, à titre personnel, ce qui ferait presque figure de détail. Campagne électorale oblige, la Maison Blanche a surtout fait quelques calculs. Combien de voix y aurait-il à gagner? Combien à perdre? Se prononcer en faveur du mariage gay, c’était prendre le risque de se faire abandonner par une partie des églises américaines, et notamment perdre le soutien des pasteurs noirs qui, en 2008, avaient milité pour l’élection du candidat démocrate. Se prononcer contre, c’était sécuriser ces voix sans se mettre l’électorat traditionnel démocrate à dos, qui n’aurait de toute façon pas voté pour le candidat républicain.

Dans ce marché électoral qu’est la question du mariage gay, la Maison Blanche a opté pour l’audace. Symboliquement, Barack Obama s’inscrit dans le sens du progrès. Electoralement, il compensera les voix perdues chez les religieux par celles gagnées auprès de la communauté gay et lesbienne, qui compte 4 millions d’individus environ, tout en mobilisant au sein de son propre camp. Si les études d’opinion donnent toujours une majorité d’américains opposés au mariage gay, rien n’est figé. Aux États-Unis, où la liberté religieuse est un élément constitutif de la société, les églises et confessions sont nombreuses et se chevauchent. Et sur la question du mariage gay, elles ne sont plus unies. Loin s’en faut.

Alors qu’en France, l’Eglise catholique s’est saisie de la déclaration du président américain pour adresser un message ferme et menaçant envers François Hollande, nombre d’églises états-uniennes soutiennent désormais le mariage gay aujourd’hui. Dans son édition du 14 mai, le New York Times rapporte que, bien plus qu’un conflit entre religieux et laïcs, le mariage gay est désormais une bataille “église contre église, pasteur contre pasteur, texte contre texte”. Bref, si la majorité des religieux restent contre le mariage entre individus du même sexe, aux Etats-Unis les lignes bougent, au point de faire passer l’Eglise de France pour un bloc monolithique et rétrograde. Au sein des clergés américains, nombreux sont ceux qui invoquent la Bible pour justifier leur refus quand d’autres, comme le révérend luthérien Susan Schneider à Madison, Wisconsin, n’hésitent pas à prendre leur distance avec une Bible qui interdit autant la consommation de coquillages, ou le port de vêtements tissés de fibres mixtes, que l’union entre personnes du même sexe.

Presbytériens, luthériens, méthodistes, baptistes, catholiques, la multiplicité des confessions met les églises en concurrence. Derrière le marché électoral, il y a aussi le marché religieux où il ne s’agit plus de gagner des votes mais bien des ouailles. Cela n’enlève rien au mérite de ces religieux et illustre bien le principe selon lequel les monopoles sont bien plus facteur de conservatisme que de progrès, y compris en matière religieuse. De ce point de vue, les États-Unis, qui ont inventé la législation anti-trust dans le domaine économique, restent fidèles à leur histoire et à leur mode de fonctionnement. Alors qu’en France l’institut Civitas dénonce avec le mariage gay l’avènement d’une France rouge et laïciste, l’exemple américain rappelle qu’au carrefour entre religion et société, il existe encore de nombreux chemins de traverse.

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