Lundi, le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, exhortait Justin Trudeau à fermer la frontière canado-étatsunienne pour les voyageurs américains comme il l’a fait pour les ressortissants de tous les autres pays.
Le premier ministre canadien a répété que, bien qu’il n’écarte pas cette possibilité, son gouvernement continuerait de se « coordonner » avec les États-Unis et « d’analyser les prochaines étapes et les mesures devant être prises ». On doit comprendre que le Canada ne peut assurer la gestion de cette frontière commune sans obtenir l’aval du gouvernement américain et surtout de l’intempestif et incompétent locataire de la Maison-Blanche, Donald Trump, avec qui Justin Trudeau a dit s’être entretenu à quelques reprises.
À l’heure actuelle, on invite les Américains qui franchissent la frontière canadienne à s’isoler pendant 14 jours, une recommandation parfaitement absurde.
Vendredi dernier, François Legault demandait à son homologue fédéral, comme l’a fait John Horgan, de se résoudre à contrôler l’afflux de visiteurs américains au pays, tout en permettant au transport de marchandises de se poursuivre. Mais lundi, il changeait son fusil d’épaule et appuyait la décision de Justin Trudeau de ne pas fermer la frontière américaine. Comme il l’a affirmé mardi dans son point de presse quotidien, l’idéal serait de s’entendre avec les États-Unis pour laisser circuler les biens mais pas les personnes. « Mais bon, ce n’est pas toujours simple de négocier avec le président américain », a-t-il laissé tomber.
Après avoir nié les risques associés au coronavirus, Donald Trump est maintenant aux aguets et s’inquiète pour sa réélection. Si le Canada avait décrété la fermeture de sa frontière avec les États-Unis, il aurait en quelque sorte confirmé l’échec du gouvernement Trump à conjurer efficacement l’épidémie. On ne sait si Donald Trump, qui n’a pas hésité à se servir de la politique étrangère de son pays pour favoriser ses propres intérêts partisans, comme on l’a vu avec l’Ukraine, a menacé Justin Trudeau de fermer complètement la frontière, y compris au transport de marchandises. Mais c’est tout comme : le président américain, qui exprime ses volontés à la manière d’un chef mafieux, a simplement dit qu’il y songeait. Peut-on en vouloir à Justin Trudeau de ne pas avoir voulu réveiller l’hyène qui sommeille ?
C’est son père, alors premier ministre, qui a déclaré, en 1969, devant un auditoire américain : « Être votre voisin, c’est comme dormir avec un éléphant ; quelque douce et placide que soit la bête, on subit chacun de ses mouvements et de ses grognements. » La bête est maintenant guidée par un puissant et imprévisible olibrius qui n’a rien de doux, ni de placide.
On peut maintenant espérer qu’ils seront rares, ces touristes égarés ou autres visiteurs étourdis qui nous parviendront des États-Unis. Toutefois, le degré d’inconscience d’un grand nombre d’Américains face à la menace de la COVID-19 laisse pantois. Jusqu’à tout récemment, Fox News invitait des commentateurs qui affirmaient que l’épidémie était une fausse nouvelle inventée par les démocrates pour nuire aux chances de réélection du président. Selon un sondage de NBC News et le Wall Street Journal réalisé dimanche dernier, seulement 53 % des répondants craignaient que des membres de leur famille ne contractent la COVID-19, un pourcentage qui chutait à 40 % chez les républicains. Seulement 47 % des Américains sondés comptaient éviter les grands rassemblements.
Bientôt, si ce n’est déjà le cas, l’enjeu de la fermeture des frontières, que Justin Trudeau a décrétée trop tard au dire de certains experts, deviendra secondaire. Ce ne seront plus les voyageurs, ou les personnes qui ont été en contact avec eux, qui seront les seuls porteurs de la maladie. La COVID-19 passera au stade de la contagion communautaire. C’est déjà le cas en Ontario, en particulier à Ottawa, et sans doute à Gatineau. Mardi, le directeur national de la santé publique, le Dr Horacio Arruda, a semblé vouloir préparer les esprits. Quand se terminera la saison de la grippe au printemps, a-t-il dit en substance, il y aura tant de cas que les tests de dépistage ne seront plus nécessaires.
On peut se compter chanceux au Québec que le gouvernement et l’opposition aient adopté la même attitude responsable face à la COVID-19, comme, à n’en pas douter, la grande majorité de la population. Ce n’est pas le cas aux États-Unis, où la science, méprisée par un président erratique, est mise en doute par plusieurs. C’est un beau cas d’espèce : nous verrons où cela mènera l’éléphant.
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