Editorial. La convention républicaine se poursuit, sur fond d’affrontements meurtriers dans le Wisconsin, après une nouvelle bavure policière. Par le slogan de « la loi et l’ordre », l’équipe Trump tente de faire oublier le désastre de la pandémie.
A gauche sur votre écran, une ville du Midwest sous couvre-feu, où les forces fédérales viennent d’être dépêchées pour rétablir l’ordre, après des nuits de chaos et de violence qui ont fait deux morts par balles et plusieurs blessés graves. Au même moment à droite sur ce même écran, une convention républicaine qui déroule sagement le programme virtuel de sa troisième soirée tout à la gloire de Donald Trump, présenté à la fois comme le président de la loi et l’ordre et comme un homme aux qualités humaines personnelles trop souvent ignorées.
C’est à nouveau ce contraste surréaliste qui a été offert, mercredi soir 26 août, aux électeurs américains. A Kenosha, dans le Wisconsin, la police a fini par interpeller chez lui un jeune homme blanc de 17 ans que le pays entier avait vu la veille, sur les réseaux sociaux, parader, une arme automatique à la main, au cours d’affrontements entre militants pour la justice raciale et suprémacistes blancs lourdement armés. On a vu l’adolescent trébucher et, en tombant, tirer plusieurs balles, puis s’éloigner en passant au milieu des forces de l’ordre sans être inquiété, malgré les victimes à terre.
Ces images sont d’autant plus fortes qu’elles offrent un autre contraste, avec les circonstances dans lesquelles Jacob Blake, habitant noir de Kenosha âgé de 29 ans, avait été grièvement blessé de sept balles dans le dos, tirées trois jours plus tôt par un policier blanc, sous les yeux de ses enfants.
Plus profondes que jamais, les divisions de la société américaine sont ainsi régulièrement ravivées par les images virales de ces drames à répétition. La mort de George Floyd, asphyxié par un policier blanc lors de son arrestation il y a trois mois, a déclenché un vaste mouvement de protestation contre le racisme et les violences policières qui se trouve relancé aujourd’hui et s’étend aux grandes compétitions sportives, notamment celles de la ligue de basket NBA.
L’équipe du président Trump, candidat à un second mandat le 3 novembre, n’a voulu voir cependant qu’une seule version de ce malaise américain : celle des violations de l’ordre public. « La violence doit cesser », a ordonné le vice-président, Mike Pence. Par « violence », il n’entend que « les émeutes, les pillages » et « les démolitions de statues ». Pas un mot n’a été prononcé sur les victimes des forces de police, de l’extrême droite ouvertement raciste et du surarmement de ses militants.
Paradoxalement, cette nouvelle éruption de violence a offert une diversion bienvenue aux organisateurs de la campagne Trump, alors que le nombre de morts victimes du Covid-19 approche 180 000. La gestion désastreuse de la pandémie et ses graves conséquences économiques ont rendu le président vulnérable, face à son adversaire démocrate, Joe Biden. Revenir sur le terrain de la loi et de l’ordre, thème traditionnel des républicains, accorde à la Maison Blanche un répit salutaire dans cette catastrophe.
Mais Donald Trump ne peut pas jouer sur tous les tableaux. Il ne peut pas à la fois vouloir adoucir son image de président intraitable, tenter de séduire l’électorat féminin en mettant en avant, comme il l’a fait mercredi soir, des oratrices vantant son sens de l’empathie avec force anecdotes personnelles, ou essayer de regagner les grâces de l’électorat noir par l’intervention de quelques rares représentants de cette communauté, et passer sous silence la réalité qui se déroule chaque soir sous les yeux des Américains. Même virtuellement, le mythe de la grandeur retrouvée est de plus en plus difficile à défendre.
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