Early November was harsh, with the fallen leaves having laid bare the urban ugliness. Mandatory confinement, closed borders, shorter days, gray all around. And then suddenly a song came over the radio with, "I ask myself all the time/How do these poor folks get along ... It's so sad that when/I get back home/I see all of America weeping/In my rearview mirror..."
The song "America Weeping" on the Dashing Cowboys' new album "The Antipodes" is staggering in its justice, its perceptiveness, its timeliness. For these, it won awards at the recent gala of the Quebec Association for the Recording, Concert and Video Industries. Everything about the lyrics by Jean-Francois Pauze and the vocals by Karl Tremblay is remarkable. A year after its release, the song is even more moving, because America is in tatters, because of Donald Trump, COVID-19, police shootings; because Quebec is part of North America and because the song's narrator, a clear-headed truck driver, makes us see reality with sorrow and empathy. He encompasses the social landscape that we know as ours. How can we stay dry-eyed when we hear his song?
The genius of the group, which has never disowned its activist side, lies in giving voice to a paid nomad, a transporter of the goods of neoliberalism, a simple truck driver from Quebec who describes in everyday language what he sees in the land he crisscrosses. He is a French Canadian, but he is also an American, since we are all America. We are aware of being on the same continent as our cousins to the south. We share the same vast and beautiful terrain, but one which in which large sections are devastated. "I'm towing all the excesses of my era behind me," the truck driver sings. He views things obliquely, being on the periphery rather than in the center of the empire. He thus sees what is really happening better than his neighbor in Iowa. He has perspective. He watches without complacency how America suffers from sickness. It has lost its way; it is fragmented, wracked by inequality, violent yet inert at the same time. Its way of life condemns it to a head-on collision.
The music is catchy, an unapologetic country folk song slightly tinged with melancholy. It makes you want to move, to dance. As the world crashes into a wall, it is best to let it go by. When the song first appeared, its meaning was lost; a year on, it is astonishing. The American dream has vanished. Everything is dull, with only pockets of noise and activity that rend the sky.
This America is divided. We think we can shout as loudly as our American neighbors from the height of our northern democracy in condemning the terribly polarized Nov. 3 election results, rolling our eyes at the Republican voters who supported Trump's bullying, machismo, indecency, lying and chaos. We think we can look incredulously at all the downwardly mobile unfortunates, the newly arrived Latinos, Black people living in danger, women in poor neighborhoods who, against our wishes, voted for Trump. What we refuse to see and understand is the inevitability of this popular rebellion against the elite, all of them, for having persistently left "the real world" behind. We also fail to see this same disaffection, this defiance, of the elite in our own country. But the truck driver in the song sure does.
Both deliberately and through laziness, we have gradually turned our backs on our Americanness to the point of forgetting about it. It is very often via the intercession of artists that we are reminded of the territory we share. From Marc Seguin to Elisapie Isaac, from Jean-Paul Riopelle to David Goudreault, our eyes are made to see beyond our tranquil forgetfulness. These artists make us recall that we are a part of this continent's history, that we share the same soil, way of life and a certain sense of destiny. They also make us recall that WE ARE AMERICANS, we, who like to think, with some justification, that we are exceptional, apart from others. America worries the entire planet, a feeling we here strongly share, and not solely because of our geographic proximity. Rather, we are also culturally quite American, and our destiny is tightly bound up with America's.
The truck driver in "America Weeping" is well aware of what our nations have in common. His country style plea touches the deepest parts of us. He knows that November’s election will not change what America is doing, which is to shed tears, weighed down by all its tragedies as it rushes forward. The Dashing Cowboys are uncompromising social observers, their antennae sensitively attuned to the darkness enveloping North America.
Le début novembre avait été rude, les feuilles étaient tombées, libérant les laideurs urbaines. L’isolement forcé, les frontières fermées, les jours raccourcis, le gris partout. Soudain, à la radio parlée, une chanson : « La question qu’j’me pose tout l’temps / Mais comment font ces pauvres gens / […] C’est si triste que des fois / Quand je rentre à la maison / Pis que j’parke mon vieux camion / J’vois toute l’Amérique qui pleure / Dans mon rétroviseur… »
« L’Amérique pleure », des Cowboys Fringants, qui figure sur l’album Les antipodes, sidère par sa justesse, sa prémonition, son actualité. Elle a d’ailleurs remporté les honneurs au dernier Gala de l’ADISQ, étant sacrée chanson de l’année. Tout est remarquable dans ce texte de Jean-François Pauzé, dans cette musique, dans la voix de Karl Tremblay. Un an après sa sortie, la chanson nous touche encore plus, parce que l’Amérique est en lambeaux ; parce que Trump, la COVID, les fusillades ; parce que le Québec fait partie de cette Amérique et que le narrateur, un camionneur lucide, nous fait voir la réalité avec tristesse et empathie. Il embrasse le paysage social, notre paysage. Comment rester les yeux secs en écoutant cette chanson ?
La trouvaille, pour ce groupe qui n’a jamais renié son côté militant, est de donner la parole à un nomade salarié, un coureur des bois du néolibéralisme ; un camionneur d’ici qui décrit avec des mots simples et quotidiens ce paysage social qu’il sillonne. Il est québécois, mais il est aussi américain, car nous sommes l’Amérique. Nous nous reconnaissons dans ce continent que nous avons en partage avec nos voisins du Sud. Nous habitons le même territoire immense et beau, mais dévasté par pans entiers. L’Amérique n’est pas que les États-Unis. « Moi, je traîne dans ma remorque / Tous les excès d’mon époque. » Le regard du camionneur est oblique : il n’est pas du centre de l’Empire, mais de sa périphérie. Il voit mieux que son voisin de l’Iowa ce qui se passe. Il a du recul. Son constat est sans complaisance : l’Amérique souffre, elle est malade. Elle a perdu le nord, s’est fracturée, est dévastée par les inégalités, violente et engourdie à la fois. Sa manière de vivre la condamne à la collision frontale.
La musique est accrocheuse, un country-folk assumé, à peine teinté de mélancolie. C’est un air fait pour rouler, pour danser. Lorsque le monde fonce dans un mur, il faut bien faire passer le mal. À la première écoute, c’était un ver d’oreille. Un an plus tard, la pièce nous bouleverse. Le rêve de l’Amérique s’est évanoui. Tout est gris, avec des poches de bruit et de fureur qui lézardent violemment le ciel.
Cette Amérique est divisée. Nous avons beau faire des gorges chaudes de nos voisins, du haut de notre démocratie nordique, les juger pour leur vote du 3 novembre, polarisé à l’extrême, rouler des yeux et médire de ces électeurs républicains qui ont plébiscité le bullying de Trump, son machisme, son indécence, ses mensonges, son chaos. Nous pouvons bien regarder, incrédules, ces déclassés, ces mal-pris, ces Latinos tout frais arrivés, ces Noirs souvent en danger, ces femmes de banlieue qui, malgré nos souhaits, ont voté pour Donald Trump. Ce que nous refusons de voir, de comprendre, c’est cette inévitable fronde de la population contre les élites, toutes les élites, qui ont progressivement abandonné le « vrai monde ». Et que cette désaffection des élites, cette méfiance, nous les vivons aussi, chez nous. Le camionneur de la chanson le voit, lui…
Par choix, par paresse, nous avons peu à peu tourné le dos à notre américanité, jusqu’à l’oublier. Et c’est très souvent par l’entremise d’artistes que notre appartenance au territoire commun ressurgit. De Marc Séguin à Elisapie, de Riopelle à David Goudreault, ils nous ouvrent les yeux de force, nous extirpent de notre oubli tranquille. Ils nous rappellent que nous ne sommes pas étrangers à cette histoire continentale, que nous partageons un sol, un mode de vie, un certain destin. Ils nous rappellent que NOUS SOMMES AMÉRICAINS, nous qui aimons tant — à raison — nous sentir exceptionnels, à part. L’Amérique inquiète le monde entier, un sentiment que nous ressentons très fortement ici, et pas uniquement à cause de la proximité géographique. Parce que, culturellement, nous sommes un peu elle… Notre destin et celui des États-Unis sont tricotés serré.
Le camionneur de « L’Amérique pleure » mesure bien ce que nous avons en commun. Sa plainte country nous émeut, nous touche au plus profond de nous. Il sait que le vote du 3 novembre ne changera pas le sort de l’Amérique, qui est de pleurer, plombée par tous ses drames et sa fuite en avant. Les Cowboys Fringants sont des observateurs implacables de la société, des antennes sensibles dressées dans la nuit nord-américaine.
This post appeared on the front page as a direct link to the original article with the above link
.