On June 9, 1903, the USS Neckar dropped anchor in the port of Baltimore after a long transatlantic voyage from Bremen. Most passengers set foot on American soil for the first time. Upon their arrival, each person had to fill out a form consisting of the 20 following questions:
• First Name/Last Name
• Age
• Gender
• Marital status
• Profession
• Level of Education
• Nationality
• Place of last residence
• Final destination (do you have the ticket for this destination?)
• Name of the person who paid for the journey
• Do you have more or less than $30?
• Is this your first visit to the U.S.?
• Are you joining an acquaintance or a family member (if yes, the name and address of that person)?
• Have you ever been to prison or benefited from help of charities?
• Are you polygamous?
• Do you have an employment contract in the U.S.?
• Are you in a good physical condition (if not, what is your handicap?)
Some 108 years later, on June 6, 2013, The Washington Post published documents revealing the existence of the PRISM program, destined to collect data on American citizens. Among the main information gathered were email addresses, written and oral discussions via the Internet, videos, photos, stored data, file transfers…
These two examples constitute data collection on behalf of the state. Each illustrates the technical means used by the administration to collect this information with maximum efficiency – whether it is a simple form completed by an office worker or conducted through the means offered by modern information technology. These two methods also show that the government is definitely capable of conserving this data, whether it is through paper archives or a simple Internet connection. However, in the course of these 108 years, significant progress has been made in the data collection process by the state, as to both quantity and quality.
From Baltimore to PRISM: A Technological Leap
Concerning quantity, the progress is evident. In 1903, an immigrant landing in the U.S. provided no more than a single line of information, divided into 20 columns.
In 2013, the amount of information available on a person is immensely greater. At the same time, technical progress today permits storing this massive amount of data, far more than a poor office worker stuck in the port of Baltimore could have imagined. In 1903, the data collected would essentially focus on the relation between migrants and administration based on a number of previously defined moments (visa application).
Today, not only is the data collected without the citizens’ knowledge, but, in fact, it can be summoned at any time. Finally, the nature of the information has gone from binary (columns with only yes and no answers) to highly complex.
But technological progress alone does not explain why the data collection process has increased so much; it must also be seen as a choice made by governments and, let’s say it clearly, the development of a certain ideology.
The Specter of Totalitarianism?
In response to recent revelation, the media and intellectuals point to “1984,” Orwell’s book denouncing totalitarianism. Yet, there is nothing new to discover, because this reasoning behind increased surveillance of people has far more distant origins.
In 2001, the Patriot Act, passed hastily after the 9/11 attacks, completed the creation of a citizen database. But we often forget to mention that this database was initiated after the Civil War, in order to maintain the demographic balance between states, just like the Constitution mandated.
There is another defining moment. After the Great Depression, the Roosevelt administration developed very precise socioeconomic tools to measure the living conditions of the unemployed in order to measure the effectiveness of its flagship program, the New Deal.
Thus, initially the reasoning behind the surveillance programs was indistinguishable from the reasoning behind assistance, or even from protection of the citizen body, far from the paranoid vision that is often presented. But technology seems to have perverted the idea along the way.
Internet, from Democratic Utopia to Disillusionment
Designed to give a new democratic impetus to our increasingly controlled societies, the spread of information technology and of the Internet in particular has been widely perceived as synonymous with a new forum for political ideas, a new place of debate, freed from the rules of the consumer society, or even as a platform for protest movements (as the initiative WethePeople demonstrates).
This original utopia has lasted for a long time. The Internet is not only perceived as a generator of a race to the bottom of the population, being considered more and more as the place of multiple dependencies – online shopping, anti-social networks, games (from “Candy Crush” to sport betting), pornography – re-establishing the sovereignty of the consumer society in the digital landscape.
Thus, if government surveillance has changed its nature by means of technology, it is not really a novelty. And whether or not it is necessary to be worried about this slide, the fact remains that an outright rupture, or even an abandonment of digital spaces, deemed corrupt, is unproductive. Should we not, on the contrary, campaign for more transparency in the collection and use of our data?
Comment l’État américain a inventé la surveillance
L’État de surveillance n’est pas une nouveauté.
Le 9 juin 1903, l’USS Neckar jetait l’ancre dans le port de Baltimore, après un long périple transatlantique depuis Brême. La plupart des passagers posaient le pied pour la première fois sur le sol américain. À leur arrivée, chacun devait remplir un formulaire composé des 20 questions suivantes :
• Prénom / Nom
• Âge
• Sexe
• Situation matrimoniale
• Profession
• Niveau d’instruction
• Nationalité
• Dernier lieu de résidence
• Destination finale (disposez-vous du billet pour cette destination ?)
• Nom de la personne qui a payé le voyage
• Possédez-vous plus ou moins de 30 dollars ?
• Est-ce votre premier séjour aux États-Unis ?
• Devez-vous rejoindre une connaissance ou un membre de votre famille (si c’est le cas, le nom et l’adresse de cette personne) ?
• Avez-vous déjà effectué des peines de prison ou bénéficié de l’aide d’organismes de bienfaisance ?
• Êtes-vous polygame ?
• Avez-vous un contrat de travail aux États-Unis
• Êtes-vous en bonne condition physique (sinon, quel est votre handicap ?)
108 ans plus tard, le 6 juin 2013, le Washington Post publiait des documents révélant l’existence du programme PRISM, destiné à collecter les données des citoyens américains. Parmi les principales informations recueillies : adresse mail, discussions écrites ou orales via internet, vidéos, photos, données stockées, transferts de fichiers…
Ces deux exemples constituent des collectes de données pour le compte de l’État. Chacune illustre les moyens techniques mis en place par l’administration pour recueillir ces informations avec un maximum d’efficacité – qu’il s’agisse d’un simple questionnaire rempli par un employé de bureau ou à l’aide des moyens proposés par l’informatique moderne. Ces deux méthodes montrent également que l’État est tout à fait capable de conserver ces données, que ce soit par le biais d’archives papier ou d’une simple connexion internet. Cependant, durant ces 108 années, des progrès notables furent réalisés dans ce processus de collecte de données par l’État, sur la quantité comme sur la qualité.
De Baltimore à PRISM : un saut technologique
En ce qui concerne la quantité, les progrès sont évidents : en 1903, un immigré débarquant aux États-Unis ne fournissait qu’une simple ligne d’informations, répartie en 20 colonnes.
En 2013, le nombre d’informations disponibles sur un individu est immensément plus important. Dans le même temps, le progrès technique permet désormais de stocker cette quantité massive de données, bien plus que ce que le pauvre employé de bureau coincé sur le port de Baltimore n’aurait pu imaginer. En 1903, les données collectées visaient essentiellement les relations entre les migrants et l’administration, dans des moments définis à l’avance (demande de visa).
Aujourd’hui, non seulement les données sont collectées à l’insu de l’ensemble des citoyens, mais surtout elles peuvent être convoquées à n’importe quel moment. Enfin, la nature des informations sont passées de binaires (colonnes de réponses se résumant à oui/non) à hautement complexes.
Mais les avancées technologiques ne suffisent pas à expliquer pourquoi le processus de collecte de données a pris cette ampleur : il faut également y voir un choix de la part des gouvernements et disons-le clairement, le développement d’une certaine idéologie.
Le spectre du totalitarisme ?
En réaction à ces récentes révélations, les médias et intellectuels brandissent 1984, l’ouvrage d’Orwell, dénonçant le totalitarisme. Or, ils redécouvrent la lune puisque cette logique de surveillance accrue de la population a des origines bien plus lointaines.
Dès 2001, le Patriot Act, voté en hâte suite aux attentats du 11 septembre, a achevé la constitution d’une base de données des citoyens. Mais on oublie souvent de mentionner que cette base avait été entamée après la Guerre de Sécession, afin de maintenir l’équilibre démographique entre États, comme le voulait la Constitution.
Autre moment-clé : après la Grande Dépression, l’administration Roosevelt a développé des outils de mesures sociaux-économiques très précis sur les conditions de vie des chômeurs, en vue de mesurer l’efficacité de son programme phare, le New Deal.
Ainsi, initialement les programmes de surveillance sont indissociables des logiques d’assistance, voire de protection, du corps citoyen, loin de la vision paranoïaque souvent véhiculée. En route, la technologie semble avoir pervertie cette idée.
Internet, de l’utopie démocratique à la désillusion
Conçu pour donner un nouvel élan démocratique dans nos sociétés de plus en plus contrôlées, la propagation de l’informatique et d’Internet en particulier a été largement perçue comme synonyme d’un nouveau forum pour les idées politiques, un nouveau lieu de débat affranchi des règles de la société de consommation, voire même comme une plateforme de contre-pouvoir (en témoigne l’initiative WethePeople).
Cette utopie originale a fait long feu : Internet est non seulement perçu comme générateur d’un nivellement vers le bas de la population, étant de plus en plus considéré comme le lieu de dépendances multiples – achats en ligne, réseaux a-sociaux, jeux (de Candy Crush aux paris sportifs), pornographie – rétablissant la souveraineté de la société de consommation au sein du paysage numérique.
Ainsi, si la surveillance de l’État a changé de nature grâce à la technologie, elle n’est pas vraiment une nouveauté. Et s’il faut s’inquiéter de cette dérive, il reste qu’une dénonciation pure et simple, voire une désertion des espaces numériques, jugés corrompus, est improductive. Ne doit-on pas, au contraire, militer pour plus de transparence sur la collecte et l’usage de nos données ?
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