Plus vous dépensez d’argent, plus le public que vous touchez est large. Une nouvelle forme de propagande, ciblée, se met en place. Les pays de l’UE doivent modifier leur code électoral pour interdire l’utilisation payante des réseaux sociaux par les partis politiques.
Facebook a eu un rôle indéniable dans la victoire surprenante de Donald Trump en novembre 2016. La question n’est plus de savoir s’ils l’ont fait, mais de savoir s’ils l’ont fait avec l’accord de Donald Trump et de son entourage. Il appartient maintenant à la justice américaine d’éclaircir les nombreuses zones d’ombre, en particulier la manière dont les services russes ont utilisé ces nouvelles technologies pour influencer les électeurs. La puissance et l’impossibilité actuelle de contrôler Facebook sont reconnues par son propre créateur, Mark Zuckerberg. En avril, il déclarait devant le Congrès des Etats-Unis : «Il est clair maintenant que nous n’avons pas fait assez pour empêcher que ces outils soient utilisés pour faire du mal. Cela vaut pour les fake news, l’ingérence de puissances étrangères dans les élections, les discours de haine, ainsi que pour la protection des données personnelles. C’était une erreur, et j’en suis désolé.» Le 22 mai, M. Zuckerberg lisait la même déclaration aux présidents des groupes du Parlement européen. En mars 2019, juste avant le début de la campagne pour les élections européennes, les tensions seront à leur paroxysme. Le débat fera rage sur la sortie du Royaume-Uni qui se fera avec ou sans accord. La livre sterling et l’euro seront dans une zone de turbulences aux conséquences imprévisibles.
Toutes les puissances de la planète, des Etats-Unis en passant par la Russie, la Chine et la Turquie, pourront, grâce à ces réseaux sociaux, peser sur le débat démocratique européen. Peut-on imaginer une seule seconde que Trump, Poutine, Erdogan et les autres vont résister à la tentation de souffler sur les braises de nos divergences ? De même, les lobbys ou les puissances financières privées peuvent faire artificiellement augmenter leur audience et influencer les utilisateurs du réseau social.
Aujourd’hui, comme la plupart des femmes et les hommes politiques, j’ai une page Facebook. Cependant, je ne paye pas pour mettre en avant mes publications. Certains mettent la main au porte-monnaie pour augmenter la diffusion de leurs articles ou pour cibler au plus près les utilisateurs de ce réseau, dont ils espèrent le vote en mai 2019. Ils utilisent les données personnelles des utilisateurs à leur insu pour que vienne s’inscrire sur leur mur des publications politiques «sponsorisées». J’entends : «Aujourd’hui, si je ne suis pas présent sur Facebook, je n’existe pas, je ne suis pas visible. L’outil est là, je n’ai pas d’autre choix que de l’utiliser, je suis obligé de l’utiliser.» Je comprends leur désarroi et leur fébrilité, mais cet argument ne tient pas la route. Le fonctionnement de Facebook est simple : plus vous dépensez d’argent et plus le public que vous atteignez est large. Pour 10 euros, la publication touche 30 000 personnes, pour 100 euros, ce sont 300 000 personnes. Celui qui a le plus gros portefeuille a toutes les chances de son côté. Une nouvelle forme de propagande, ciblée, opaque, difficile à tracer et à contrôler, se met en place. A ce jeu, je ne connais qu’une personne assurée de gagner à tous les coups, Zuckerberg, le patron de Facebook, qui a engrangé 16 milliards de dollars de bénéfices en 2017, dont 98 % sont liés à ses activités principales, la publicité et la propagande.
La Commission européenne et les Etats membres doivent modifier leur code électoral dans l’urgence pour interdire l’utilisation payante des réseaux sociaux par les partis politiques et par les candidats, et mettre en place les outils pour contrôler les infractions. Avant d’être des utilisateurs de réseaux sociaux, nous sommes des citoyens. Si l’on n’y prend pas garde, la démocratie s’étiole un peu plus chaque jour. Nous ne pouvons pas accepter que Facebook soit l’arbitre de nos débats. Agissons avant qu’il ne soit trop tard.
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