U.S. — China: The Drug Addict and the Dealer

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Dans la diplomatie internationale comme dans les contes pour enfants, il arrive que les seules bonnes questions soient posées par ceux qui ne comprennent rien.

Ainsi, à propos de la discorde actuelle entre les Etats-Unis et la Chine, un débutant en sciences économiques pourrait poser une question que les économistes trouveraient naïve. Les Américains reprochent aux Chinois de vendre leurs biens trop bon marché (ou d’avoir un taux de change sous-évalué). Par quoi sont-ils offusqués ?

Sauf erreur de ma part, les gens qui s’inquiètent de leur pouvoir d’achat s’en réjouissent plutôt. Pourquoi les responsables politiques ne remercient-ils pas les Chinois de ce cadeau qui devrait faciliter leur tâche électorale ?

Un étudiant en deuxième année trouverait l’explication dans le concept de “prix prédateurs” : si une entreprise vend ses biens trop bon marché, elle peut réussir à évincer ses concurrents et ainsi instaurer des prix de monopole.

Les consommateurs n’ont rien à craindre des prix bas dans l’immédiat, mais de ce prix de monopole à terme. L’analogie avec les taux de change a cependant ses limites. Une entreprise peut être évincée du marché, pas un pays entier.

Prétendre que les Américains se plaignent d’un taux de change sous-évalué aujourd’hui car ils craignent un taux de change surévalué plus tard tient plus de la psychanalyse que de l’analyse économique.

Un étudiant de troisième année passionné d’économie comportementale trouverait que le conflit sino-américain évoque la dispute entre un intoxiqué et son dealer. Le drogué reproche à l’autre de lui vendre son produit trop bon marché car il a envie de ne pas en avoir envie. Son hypocrisie est évidente : toute cure de désintoxication requiert de l’intoxiqué qu’il assume la responsabilité de sa condition.

Reste qu’une hausse des prix du dealer pourrait renforcer sa détermination à se passer du produit nocif. Mais là encore, l’analogie est peu plausible. Le public américain souffre-t-il vraiment de ces prix aussi bas ? Le taux d’épargne aux Etats- Unis en 2009 était de moins de 1,5 % du revenu national. Sans la contribution des échanges commerciaux, le taux d’investissement aurait été aussi bas, alors qu’il a été, en l’occurrence, de 2,1 % du revenu national. Merci aux Chinois d’avoir investi aux Etats-Unis lorsque les Américains ne voulaient pas le faire.

Le vrai déséquilibre est ailleurs. La course à la consommation aux Etats-Unis n’empêche pas les usines américaines de stagner à cause d’une demande insuffisante. Les Chinois accumulent des titres américains qui, dans l’avenir, leur donneront accès à des biens américains.

Comme le signalait déjà Keynes dans les années 1930, une demande future ne donne pas le moyen de produire aujourd’hui. La bonne plaidoirie des Américains serait de remercier les Chinois pour leurs biens à bas prix, tout en leur demandant d’avancer la date à laquelle ils leur achèteront à leur tour des biens. Un rééquilibrage des taux de change en serait la conséquence et non un préalable que l’on peut exiger sur un ton de reproche.

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